Françafrique sous le label Hollande, quelle avenir?

Toute élection présidentielle en France se vit avec force et intensité en Afrique. Les politiques françaises déterminent considérablement celles de plusieurs pays africains. La FrançAfrique est donc une réalité vivante. Le cordon ombilical entre la France et l’Afrique tient et peut-être pour longtemps encore.

Comme il est de coutume lors de toute élection d’un nouveau président en France, l’accession de François Hollande à la magistrature suprême française a suscité nombre de débats dans la classe politique tant française qu’africaine au sujet de la nouvelle orientation dela FrançAfrique sous le label Hollande.

Inéluctablement, je mènerai une réflexion portant sur les projections et les perspectives  des nouvelles couleurs de la FrançAfriquepour les cinq prochaines années. Mon tout premier papier de la rubrique « MELTING-POT«  dont je me ferais un réel plaisir d’animer mensuellement sur brukmer.be, va s’intéresser aux rétroviseurs du véhicule FrançAfrique.

L’image principale que reflètent ces rétroviseurs est la seizième conférence qui s’est tenue le 20 juin 1990 dans la commune française deLa Bauleen présence de trente- sept Chefs d’États Africains et présidé par le président français François Mitterrand. Loin de se contenter d’échange de verres de champagnes, quelques civilités et parler des richesses du sous-sol africain comme il en était de coutume, cette conférence se voulait être un nouveau départ, une nouvelle dynamique, une véritable chance pour l’Afrique.

Les Africains ont toujours perçula France comme une épine dans le dos, une pierre dans la chaussure. Tout le monde voudrait la soustraire mais, chacun s’avise d’oser. Les politiciens français ne sont presque jamais les bienvenus sur le continent. À défaut de ne pouvoir les recevoir, certaines populations leur offrent en bouquet des huées, expression du ras-le-bol. Et pourtant !

Un rendez-vous manqué :

L’Afrique a manqué un rendez-vous. Encore un rendez-vous manqué !

Dans son discours de La Baule resté célèbre, François Mitterrand traçait une nouvelle voie pour donner à l’Afrique son indépendance, une indépendance réelle. Appelant nos responsables politiques à une saine gestion des biens de la cité, Mitterrand voulait, de façon progressive, éloigner la main mise française sur l’Afrique. Pouvait-il mieux l’exprimer : « Nous ne voulons pas intervenir dans les affaires intérieures. Pour nous, cette forme subtile de colonialisme qui consisterait à faire la leçon en permanence aux états africains et à ceux qui les dirigent, c’est une forme de colonialisme aussi perverse que tout autre.»

Il était question lors du sommet de La Baulede définir des nouveaux axes qui devraient être plus bénéfiques aux peuples africains. Mais, cela devrait s’accompagner d’un dur apprentissage. Roland Dumas avait trouvé des mots justes pour résumer le président Mitterrand : « Le vent de liberté qui a soufflé à l’Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud (…) Il n’y a pas de développement sans démocratie et il n’y a pas de démocratie sans développement.». Le vent de l’Est n’a pas pris du temps pour souffler sur le continent. La même année 1990, Elle s’est étalée dans toutes les directions : Multipartisme ci et là, démocratie tous azimuts. Le vin était servi, il fallait le boire.

Bilans et enseignements :

L’attitude de certaines politiques françaises font dire que le discours de La Baulen’était rien autre que le visage de la FrançAfriquesous le label Mitterrand, du moins, pour une partie de son mandat à la magistrature suprême. «En répétant le principe qui s’impose à la politique française : chaque fois qu’une menace extérieure poindra, qui pourrait attenter à votre indépendance, la France sera présente à vos côtés  » et ajoute :  » mais notre rôle à nous, pays étranger fût-il ami, n’est pas d’intervenir dans des conflits intérieurs. Dans ce cas-là, la France, en accord avec les dirigeants, veillera à protéger ses concitoyens, ses ressortissants, mais elle n’entend pas arbitrer les conflits». Ces engagements de Mitterrand n’ont pas continué à guider la politique dela France vis-à-vis de l’Afrique.

L’aide dela Franceaux états africains devrait être subordonnée à l’avancée du processus de démocratisation. Même cet engagement qui n’était pas des moindres n’a survécu que le temps d’un discours. La transmission du pouvoir s’est faite de père à fils dans plus d’un pays africain au prix de la douleur du peuple etla Franceentretient de très bonnes relations d’amitié avec ces pays.

La responsabilité des dirigeants africains n’est non plus des moindres. Portés par un sentiment nationaliste, le discours de La Bauleaurait été une occasion à saisir par nos dirigeants pour la marche vers l’indépendance de nos pays, la vraie. Que non. Ils ont préféré demeurer des lèches-culs à la merci du Maître qui choisit de libérer son esclave. Un Maître qui était, je le pense, de bonne foi : «la France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté»

Pourrais-je conclure ce papier sans saluer l’effort des Sénégalais dans le processus de démocratisation de leur pays ?

L’élection d’Abdoulaye Wade et celle de Maki Sall à la présidence de la république du Sénégal ont permis de noter quelques points essentiels :

La démocratie sénégalaise a fait du chemin mais, il y a encore un bout à parcourir pour annihiler toute fébrilité dans le pays à chaque échéance électorale.

Les Hommes politiques sénégalais ont une certaine intégrité et grandeur quand l’intérêt supérieur de la nation est menacé de quelque manière qui soit. Ils permettent au bon sens de prendre le dessus et la république en sort gagnante.

Malgré la fébrilité, l’élection n’entraîne pas des clivages ethniques avec les conséquences fâcheuses qui y sont associées. En somme parler la même langue n’est pas synonyme de parler le même langage.

François Hollande ressuscitera t’il François Mitterrand pour la renaissance d’un nouvel espoir, une nouvelle Baule plus incisive ?

Serait-ce la continuité des rencontres aux saveurs de champagnes, de quelques civilités avec pour plat de résistance une discussion autour des richesses du sous-sol africain ?

En vingt-deux années, biens de choses ont changé. La dynamique mondiale n’est plus la même. Je poursuivrai mon analyse sur le sujet dans le prochain numéro de la rubrique.

Par Raoul R. Nguetgna – brukmer.be

 

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