Dominique Saatenang; premier africain admis moine Shaolin

 A 37 ans, ce Camerounais d’origine, naturalisé Français est pour les Chinois, « L’aigle noir », pour les Africains « Le Bruce Lee Africain » et pour les Européens « Le Chinois noir »… Rien que ça.

Les championnats du monde de Wushu traditionnel ont lieu du 5 au 11 novembre à Huangshang en Chine. Dominique Saatenang y emmène une délégation française de 17 combattants pour rapporter l’or. Retour sur le parcours atypique de ce Camerounais d’origine devenu « Chinois de cœur ».

Joindre le geste à la parole. Si Dominique Saatenang a retenu un enseignement de son Master de gestion (tout ça, c’était avant qu’il ne devienne moine), c’est bien cette règle. Dans une petite salle de la Maison des associations du XVIIIe arrondissement de Paris, le maître nous reçoit. Objet de la visite : parler, entre promotion de son « DVD » (Discipline, volonté, détermination) et récits de ses exploits personnels, des championnats du monde de Wushu traditionnel qui se déroulent à Huangshang (Chine) du 5 au 11 novembre. Une compétition à laquelle il participe en tant que« juge et arbitre mondial, expert en Wushu » et où il emmène une délégation française de 17 combattants. « Je tenais absolument à ce que mon pays soit représenté.

Cela permettra d’améliorer les relations entre la France et la Chine », soutient M. Saatenang qui assure avoir obtenu l’autorisation de la Fédération française de Wushu pour participer à l’événement. « Attention, prévient toutefois Julien Granjoux, chargé de communication à la Fédération française de Wushu (sportif) qui freine des quatre fers. M. Saatenang part à cette compétition sur sa propre initiative. Il peut représenter son club (AFA Wushu) ou son pays d’origine, mais pas la France en tant que telle. » Qu’à cela ne tienne, Dominique Saatenang participera pour la seconde fois à la compétition après l’édition 2010 où son équipe avait récolté trois médailles d’argent et six de bronze. « Cette fois, on veut de l’or », dit-il, mains jointes, les yeux fixés au plafond, en se rappelant aux bons souvenirs du temps où il était athlète, lui aussi.

Raconter la vie de Dominique Saatenang n’est pas chose aisée. A 37 ans, ce Camerounais d’origine, naturalisé Français en 2009, possède autant de « métiers » que de surnoms. Pour les Chinois, il est « L’aigle noir », pour les Africains « Le Bruce Lee Africain » et pour les Européens « Le Chinois noir »… Rien que ça. Côté CV, le maître a du bagout. Un cumulard à faire pâlir le plus garni des politiques. Comédien, acteur, cascadeur, chorégraphe de scènes de combat, juge et arbitre international de Wushu… Dominique Saatenang tire surtout son prestige de son statut de moine Shaolin (membre de la 34e génération sous le nom de Shi Yan Maipar l’abbé supérieur Shi Yong Xin). Et pour cause, il demeure à ce jour le seul Africain à avoir été admis dans le prestigieux monastère. Illico Presto, le Cameroun l’a donc inscrit au Panthéon national pour la gloire du sport. La distinction valait bien une ligne dans le livre d’or de son pays natal et une décoration de la part de l’Unesco. Dernièrement, il a réussi à faire admettre -gracieusement- au Temple Shaolin 10 jeunes boursiers africains afin qu’ils étudient pendant cinq ans la médecine, les arts martiaux, la culture et la langue chinoise.

 

Né à Bafou, un village situé à l’Ouest du Cameroun, Dominique Martin Saatenang était davantage destiné au football qu’au Wushu. Issu d’une lignée royale (son grand-père était roi du village), le gamin se voyait mal remettre en question les désidératas de sa famille qui voyait en lui un Roger Milla bis. « Vers l’âge de 10 ans, j’ai été envoyé à Douala pour un stage de détection dans une équipe de foot. Là-bas, j’ai assisté à la projection d’Opération Dragon de Bruce Lee, raconte-t-il. Quand je suis retourné chez moi, je n’avais plus qu’une idée en tête : faire du Wushu. » Au grand dam de sa famille, l’adolescent persévère dans sa pratique des arts martiaux en s’inscrivant à l’école des « Tigres noirs ». « Avec le recul, je m’aperçois que ce n’était pas du Wushu élaboré, tout au plus une initiation, se souvient-il. Mais j’étais décidé à devenir un bon combattant pour aller en Chine. » Après son master de gestion, le Camerounais vend tous ses biens pour se rendre dans l’Empire du milieu.

Une fois passé la Muraille, il se heurte à deux difficultés : la barrière de la langue et les répliques du Temple Shaolin qui pullulent partout en Chine sous forme d’écoles de Wushu. « Mon objectif, c’était d’intégrer le saint des saints. Mais on me disait que c’était inaccessible aux étrangers. » Malgré les mises en garde, il se rend au fameux temple où le chef spirituel tient une conférence au milieu d’une foule de convertis.« J’ai regardé ce maître qui m’a fait signe de venir le voir. Je ne sais pas pourquoi il m’a désigné moi, ce jour-là, au milieu de tout ce monde », soutien Dominique Saatenang qui croit « au destin » dur comme fer. Il repartira de son entrevue avec une carte de visite signée de la main du chef pour intégrer le fameux monastère.

 

Commence alors un long et difficile apprentissage. Lever 4 h 30 tous les matins, première méditation à 5 heures, petit-déjeuner à 6 h 30 et entraînement toute la journée dans les montagnes. « C’était dur. Chaque jour, qu’il pleuve où qu’il neige, en été comme en hiver, on faisait nos exercices en t-shirt, raconte-t-il. Le soir, on était tellement fatigués qu’on ne prenait pas le temps de manger ni de se doucher. Là-bas, il n’y avait pas d’eau chaude. Franchement, j’ai parfois cru que j’allais arrêter. Mais à chaque fois que j’allais craquer, je repensais à ma famille. Je les avais déçus en arrêtant le football, il fallait que je persévère pour ne pas les décevoir. »

Consacré membre du Temple de Shaolin et nommé ambassadeur du Wushu par les Chinois en 2007, Dominique Saatenang a depuis élargi ses domaines de compétence. A 37 ans, ce polyglotte (il parle le chinois, le français, l’anglais et le bamiléké) a suivi une formation d’acteur pour réaliser son rêve : faire du cinéma.« Talentueux cascadeur, acteur, chorégraphe de scènes d’action reconnu dans le milieu cinématographique », selon son dossier de presse, monsieur Saatenang n’en a pas moins trouvé la porte de Luc Besson close. « J’ai demandé à le rencontrer, mais il ne m’a pas encore répondu », commente Dominique Saatenang qui assure aussi avoir des « pistes » avec Jackie Chan, qu’il a rencontré il y a peu.

 

Reste son passage remarqué dans l’émission « Incroyable talent » sur M6 en décembre 2011. « J’ai un talent incroyable, c’est pour ça qu’on m’a invité dans l’émission », dit-il modestement. On y voit le moine Shaolin effectuer une démonstration de Wushu contre quatre adversaires qui lui cassent successivement des morceaux de bois sur le corps. Mais en vain, sa prestation n’a pas retenu l’attention des membres du jury. « Pas assez captivant, un peu lassant. On est en finale tout de même… », a commenté l’un des juges. Quant à Dave, lui aussi membre du jury, le chanteur n’y est pas allé de main-morte : « On n’est pas dedans », s’est-il exclamé. Las, Dominique Saatenang a au moins réussi sa communication. In extremis, après quelques mots en chinois, il a fait la promotion de son « DVD ». C’est pas tous les jours qu’on passe sur M6.

Source: le monde

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1 Commentaire
  • tai chi
    novembre 28, 2012

    Être admis au temple Shaolin, que l’on soit jaune, rouge, blanc, ou noir, ce n’est pas rien, ça veut dire beaucoup de choses. J’ai déjà vu Dominique Saatenang à l’oeuvre, il n’y a aucun doute, il a un talent incroyable.
    Stéphanie