L’association noire (CRAN) porte plainte contre l’Etat français et demande réparations

le Conseil représentatif des associations noires (CRAN)  a déposé une plainte, vendredi 10 mai, contre la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour complicité de crime contre l’humanité.

Pour tenter de faire monter la pression sur la question des réparations financières consécutives à la traite des Noirs; Selon le CRAN, l’institution publique, qui n’est autre que le bras armé financier de l’Etat, aurait tiré un profit indu, au XIXe siècle, de l’abolition de l’esclavage en Haïti.

Les faits remontent à 1825, soit vingt et un ans après l’abolition de l’esclavage intervenue en 1804, en même temps que l’indépendance de l’île. D’anciens propriétaires d’esclaves et de terres persuadent alors Charles X de lancer une équipée militaire sur l’ancienne Saint-Domingue. Il s’agit d’obtenirdédommagement du préjudice subi, selon eux.

Menaçant de recoloniser la toute jeune République indépendante d’Haïti, ces anciens colons parviennent à obtenir d’Haïti le paiement de 90 millions de francs or (l’équivalent, selon le CRAN, de 21 milliards de dollars actuels). La somme est encaissée par la Caisse des dépôts qui la reverse ensuit aux anciens colons. Mais d’après Louis-Georges Tin, président du CRAN, « l’argent des Haïtiens n’a pas été totalement reversé, la Caisse des dépôts en a gardé une partie ».

« DOUBLE PEINE »

Pour M. Tin, il convient de restituer ces fonds – toujours consignés, selon lui, à la Caisse des dépôts – aux descendants des esclaves de l’ancienne Saint-Domingue. « L’argent doit revenir à l’Etat haïtien et à la société civile haïtienne,estime-t-il. L’heure est venue de réparer cette double peine subie par l’île, l’esclavage puis la rançon. Le dénuement d’Haïti est dû au paiement de ces 90 millions de francs or qui ont obligé le pays à s’endetter sur des décennies. »

Mais l’affirmation du CRAN surprend des historiens« Je ne comprends pas cette approche », déclare Julie Duthil, professeure d’histoire-géographie, qui a soutenu un master de recherche sur le sujet et s’apprête à se lancer dans une thèse. Pour l’historienne, qui a longuement compulsé les archives de la CDC, l’organisme a redistribué tout l’argent issu de ces transferts. Rien n’a été conservé.

Le CRAN soutient que le versement des indemnités a démarré vingt ans après l’indépendance, et que, par conséquent, certains colons étaient morts, tandis que d’autres n’ont pu prouver qu’ils avaient été propriétaires. La CDC serait donc restée avec de l’argent sans attribution.

Là encore, Mme Duthil infirme, assurant au contraire qu’il « manquait même un peu d’argent » et que les indemnités ont été versées dans un second temps sous la forme de rentes annuelles aux descendants des colons.

« DEVOIR DE MÉMOIRE »

Par ailleurs, aux yeux de la spécialiste, la plainte du CRAN procède d’une interprétation incorrecte de cet épisode historique : « Les colons n’ont pas été indemnisés par rapport au fait d’avoir perdu des esclaves mais des terres« , insiste-t-elle. L’argent réclamé l’est donc moins au titre de la traite que de la colonisation – un tout autre débat.

Interrogée, la Caisse des dépôts dit « mal comprendre le sens de cette démarche »qui viserait davantage l’Etat qu’elle-même. Un bon connaisseur de l’institution ajoute : « La maison a montré, avec la restitution à la fin des années 1990 des avoirs juifs spoliés, qu’elle savait affronter son passé et faire son devoir de mémoire. Je n’ai jamais entendu parler de ce problème de fonds liés à Haïti et à l’esclavage. »

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