« Damas, là où l’espoir est le dernier à mourir », de Myrna Nabhan

Pour la première mondiale, rencontre à Bruxellexes avec la réalisatrice, célèbre politologue et rédactrice au Huffington. 

Le documentaire de Myrna Nabha, raconte à travers des dialogues et des témoignages de différents syriens, comment les populations survivent dans une ville où la guerre est vécue au quotidien. Enfants, coiffeuses, chauffeurs de taxi, vendeurs ambulants de roses… Tous ces visages anonymes se rassemblent pour nous faire connaître un point de vue différent. Les citoyens syriens ont dû s’habituer aux horreurs de la guerre pour continuer leurs vies. Face aux horreurs, Nabhan a voulu faire passer un message d’espoir.

Ted Talk de Myrna Nabhan 

 

Les témoignages sont frappants. La réalisatrice rencontre une jeune fille qui a été touchée par une bombe, perdant ses jambes lors de l’explosion. À l’hôpital, elle raconte comment elle a rassemblé de la force pour appeler ses voisins, qui l’ont aidés. Mais cette fille n’est pas découragée : elle raconte aussi comment elle a eu le courage de passer son diplôme des beaux-arts à l’hôpital – ne pouvant pas aller à son école, le jury est allé la visiter. Elle arrive même à faire des blagues par rapport à sa situation. C’est un exemple parfait de l’esprit syrien que Myrna Nabhan veut nous faire connaître. À Damas, les gens vont continuer à sourire.

Myrna Nabhan a répondu à nos questions

Pourquoi passer de politologue et rédactrice au Huffington Post, à documentariste? 

En fait justement parce que j’ai réalisé que les mots n’étaient pas assez suffisants à un moment et donc j’ai voulu plutôt montrer l’image, j’ai voulu utiliser ce canal là, parce que chaque fois que je revenais et que je parlais de la vie là-bas, les gens n’arrivaient pas à s’imaginer celà, vu justement qu’on voit toujours aux infos des images de destruction et de guerre, je m’étais dit que c’était peut-être plus puissant de montrer aussi des images couplées aux mots pour retransmettre un message.

Vous essayez de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas souvent. Il y a des témoignages d’enfants… C’est un point de vue très intéressant. Pourquoi ce choix?

Parce que vraiment pour moi c’était fondamental de parler des gens qui ne sont pas nécessairement sous le feu des projecteurs. En général c’est toujours des gens très politisés, que ce soit d’un côté ou de l’autre, donc  des gens qui ont au final le pouvoir. Mais on oublie toujours les ceux qui vivent ça, qui n’ont eux aucun contrôle sur ce qui est en train de se passer. C’est important de pouvoir leur donner la parole et j’espère que ça influe.

Comment vous sentez-vous lorsque vous écoutez leurs témoignages ?

C’est très difficile. Au début je pleurais tous les jours, quand j’ai commencé le documentaire. Puis au fur et à mesure on commence à s’habituer, malheureusement, comme eux le disent justement dans le film : ils s’habituent à des choses pour lesquelles il y a quelques années ils ne connaissaient pas. Donc il y a cette force de l’être humain qui se réveille et qui te donne envie de faire plus, de ramener encore plus de témoignages, de donner encore plus la parole, même si au fond de toi ça te touche. Mais si tu veux continuer à travailler sur le sujet il faut mettre des barrières ; c’est vrai qu’elles sont là, mais elles se fissurent très facilement aussi.

Vous avez réussi à faire un documentaire qui n’est pas triste à 100%, même si cela reste dur.

Justement parce que j’ai voulu axer sur la vie plus que sur la mort. C’est très difficile dans un cas particulier comme la tragédie qui se passe en Syrie, mais c’est quelque chose qui m’avait frappé au tout début de mes voyages ; et ce qui m’a impulsé vraiment à faire ce documentaire c’est parce que à chaque fois que je revenais de là-bas, que je voyais des situations terribles, les gens me disaient « mais Dieu merci, ça va encore », ils souriaient, c’est eux qui transmettaient d’espoir, et c’est pour ça que j’ai voulu vraiment souligner ça. Même dans des situations terribles il y a des rires… je n’ai pas envie de dire « heureux », mais moins tristes que d’autres en temps de guerre.

Il y a beaucoup de témoignages de femmes. Est-ce que vous considérez ce documentaire comme une revendication féministe ?

Alors là c’est très drôle parce que je ne l’ai pas du tout fait dans ce sens là mais beaucoup de gens m’ont dit la même chose. Je pense juste que les femmes, en fait, ont beaucoup envie de parler, elles parlent beaucoup [elle rigole] et en fait ce qu’il ne faut pas oublier c’est qu’il y a beaucoup plus de femmes dans la société vu que les maris, les hommes, sont soit morts, soit partis, soit dans l’armée… Du coup la plupart de la population reste des femmes et des enfants qui ont aussi des choses à dire, qui ont envie qu’on les écoute, et qui ont retrouvé aussi des places spécifiques dans la société.

(Crédit photo. Justyna Sokolowska) 

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