Le Cameroun est au bord de l’implosion

Entre la crise du covid-19 qui fait du Cameroun le deuxième pays d’Afrique subsaharienne le plus touché à ce jour, une guerre civile sans fin dans la partie anglophone du pays et un président « mort » ou porté disparu, les jours obscurs que traverse le Cameroun sont sans doute les prémices d’un désastre humain.

La dernière apparition publique du président camerounais Paul Biya (87 ans), remonte au 11 mars, lorsqu’il recevait l’ambassadeur des USA au Cameroun, Peter Henry Barlerin. Depuis lors, l’homme lion, comme il se fait appeler, est resté muet et invisible, malgré la situation sanitaire urgente qui s’aggrave particulièrement au Cameroun. Avec 650 cas officiels et largement sous-estimés, le Cameroun est désormais l’un des pays subsahariens le plus touché par le coronavirus.

Face à son silence, des rumeurs enflent au sujet de la mort du roi Biya à la tête d’un des états les plus riches d’Afrique depuis 45 ans (7 ans en tant que Premier ministre, et 38 ans de présidence). Plus que des rumeurs, une partie de la presse identifiée comme pro-régime lance depuis quelques jours des supputations au sujet d’une possible succession au trône par son Fils ainé Franck Biya. Un climat qui permet d’émettre des soupçons sur une volonté d’utiliser le chaos sanitaire et social ambiant pour imposer un silence politique afin de bidouiller un transfert de pouvoir de gré à gré.

Alors que tous les chefs d’État d’Afrique et du monde interviennent personnellement dans la gestion de cette crise sanitaire à coup de discours et de mesures fortes plus ou moins, la présidence camerounaise est restée mystérieusement muette. La seule action gouvernementale se résume à l’intervention du Premier ministre Joseph Dion Ngute et du ministre de la santé Malachie Manaouda annonçant le déblocage de la somme d’un milliard de Franc CFA (1 500 000 €) pour la crise. Une somme dérisoire pour une population de 25 millions d’habitants, quand on sait notamment, grâce à un document qui avait fuité de l’administration présidentielle, qu’elle représente le budget de la dernière réception de fin d’année organisée par le palais présidentiel en décembre 2019.

« Aucune armée ne peut gagner une guerre avec les seules effigies d’un commandant en chef que la troupe ne voit ni n’entend » 

A déclaré le Pr Maurice Kamto, président du MRC, principal parti d’opposition au régime en place. Après avoir ouvertement lancé un ultimatum de 7 jours au président Biya lui demandant de sortir de sa réserve et de prendre en main la crise sanitaire que vit le pays, Kamto vient de lancer par communiqué officiel, le mouvement « Survie-Cameroun-Survival initiative ». Son but, dit-il est de répondre à la crise grâce aux initiatives citoyennes coordonnées. Apporter des réponses sanitaires, sociales et économiques là où l’État aurait failli. Il appelle les camerounais à organiser leur propre survie. Cette déclaration adressée aux camerounais, mais également aux Nations Unies, à l’Union Européenne et l’Union Africaine, est un ultime acte de défiance envers le régime Biya en fin de vie.

« Si dans les 7 jours suivants la publication de la présente déclaration, le Président de facto du Cameroun n’avait pas donné une preuve physique de ce que c’est bien lui qui est aux commandes de l’État… »,

rajoute Kamto,

« …nous nous trouverions dans l’obligation d’engager les procédures juridiques adéquates pour obtenir le constat, par les instances compétentes, de la vacance présidentielle et ses suites constitutionnelles. Je me réserve le droit d’appeler à des mesures plus radicales ».

Un chaos sous fond de tribalisme

Depuis les dernières élections présidentielles de 2018, face au soulèvement populaire mené par Maurice Kamto, perdant officiel des élections, l’État camerounais, par l’entremise de ses ministres, orchestre savamment des tensions ethniques qui sont venues dominer les débats de fond au sein de la population, et aboutissent à des déchirements sans précédent.

Pendant ce temps, dans la région anglophone dite du NOSO (Nord-Ouest et Sud-Ouest), de véritables massacres sont perpétrés par l’armée camerounaise sur les populations prises en otage par les rebelles indépendantistes. Plus qu’une revendication linguistique et culturelle, la région anglophone réclame un traitement équitable, un droit de regard sur la gestion des ressources naturelles extraites de leur sous-sol, notamment le pétrole. Désormais, le départ de Paul Biya, symbole d’une oppression longuement subie est devenu pour la rébellion anglophone, une condition sine qua non à l’arrêt des hostilités.

Une situation économique qui se rapproche de la faillite

Les caisses de l’État sont vides. La région anglophone a été déclarée fiscalement sinistrée en 2019. Avec près de 30 000 morts et 500.000 déplacés depuis 2016, plus aucune activité économique n’y est possible. Réputé extrêmement corrompu, le Cameroun est aujourd’hui classé parmi les 10 pays africains les moins attractifs pour les investisseurs.  Depuis le début de la crise du Covid-19, on observe une flambée des prix, et une spéculation sur les produits de première nécessité. Le silence présidentiel n’arrange pas les choses et ne présage rien de positif en cas de décès du roi. Au sein de la famille RDPC (le parti au pouvoir), règne des guerres claniques et fratricides froides qui s’annoncent sanguinolentes. Les vieilles pontes de l’armée se regardent en chien de faïence et le peuple n’entend plus se laisser berner 45 ans plus tard.

Rebelles armés, Classe dirigeante prédatrice sans chef, armée clanique, opposition affûtée et population affamée en apnée, tous sont au bord de la ligne et attendent le départ d’une course vitesse. Le biip d’un électroencéphalogramme plat qui lâchera 25 millions de camerounais zombifiés dans une course où tous les coups seront permis au nom du changement et de la liberté. Tous sont suspendus au dernier souffle du roi. Un roi à vie, pourtant président sans vie depuis bien longtemps.

Pourtant, il est fort probable que cette course folle sera rythmée par le tempo funeste du covid-19. Un adversaire aussi intrusif qu’arrogant, impitoyable, mais juste ! car au-dessus de tous.

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