BONDEKWE, une autre figure héroïque congolaise oubliée des indépendances africaines

Zoom sur un héro de l’histoire de la RDC, père fondateur de « l’indépendance séquentielle » en Afrique Centrale

Le jugement de l’histoire est manifestement la seule sentence qui échappe à la prescription du temps et à l’érosion des consciences. S’il n’y a qu’en Islande que les sagas familiales des Vikings sont fort connues, il n’en est pas moins au Congo démocratique où la seule évocation de Léopold Sylvère BONDEKWE et ses descendants suscite encore dans le Kinshasa populaire, le Lubumbashi du quartier latin ou le Kisangani historique de bien beaux souvenirs d’un âge d’or révolu et pourtant si ardemment désiré.

Pionnier des éditeurs Congolais au tout début des années cinquante avec son journal « Mon pays », Léopold Sylvère BONDEKWE apparaît à l’avant-veille des indépendances nominales africaines comme un interlocuteur influent au Congo Belge des années de braises. Une considération qui lui vaudra l’admiration de ses congénères sous-régionaux de lutte dont le
le Camerounais, Paul Soppo Priso qui le considérera comme la « fine fleur de l’intelligentsia congolaise ».

Homme de culture et d’art, l’auteur et producteur de la pièce pamphlétaire « ATHANASE » est aussi un stratège politique aux côtés du remuant Moïse TSHOMBE. Il croise plus tard le chemin de Maître Jacques MARRÈS, celui-là même qui assurera la défense de Patrice Emery LUMUMBA au procès de 1958 et s’associe syndicalement à Alphonse Roger KITHIMA-BINRAMAZANI, André BO-BOLIKO LOKONGA, Jean-Marie KITITWA BENGA-TUNDU.

Doué d’un tact et d’un sens aigu du consensus, Léopold Sylvère BONDEKWE, Haut représentant de la Province Orientale, sera à Tananarive puis à Mbandaka l’un des grands architectes du désamorçage des velléités sécessionnistes katangaises de 1961 et 1962. Son engagement au sein du seul syndicat chrétien de l’époque le permettra de perfectionner ses études
supérieures en Belgique. C’est le tournant décisif de sa vie.

OUI A UNE INDEPENDANCE SUBSTANTIELLE ET NON A UN MIROIR AUX ALLOUETTES!

A l’annonce des tractations devant mener à l’indépendance du Congo, l’UNACO (Union Nationale Congolaise) voit le jour sous la houlette de Léopold Sylvère BONDEKWE qui devient du même coup la première force unioniste du pays. Une prouesse politique dans ce kaléidoscope de cultures qu’est le Congo qui n’est encore que belge pour quelques heures.
D’une ligne résolument modérée et visionnaire, l’homme sait que l’impréparation des cadres nationaux aux jeux retors de la Real Politik de la métropole ne confine qu’à une indépendance de façade et n’expose qu’à l’élimination ciblée de la classe élitaire critique.

Ses voisins Camerounais Rudolf Oum Nyobè ou Ernest Moumié en avaient fait les frais de la France et Léopold Sylvère BONDEKWE qui en avait pris de la graine voulait corriger cette marche suicidaire vers le casse-pipe politique. La suite des événements lui donnera raison.
Quoi qu’il en soit, Léopold Sylvère BONDEKWE était donc naturellement devenu le père fondateur de l’indépendance séquentielle en Afrique Centrale. Plus qu’un label, c’est une responsabilité qu’il va devoir désormais arborer. La suite de sa trajectoire publique portera bien souvent cette signature philosophique et spirituelle que les anglo-saxons désignent
par le fameux step by step.

Son élasticité intellectuelle et analytique l’amènera à opter avec les camarades politiques de son courant idéologique pour une autonomie stratégique, progressive, maîtrisée du pays.

Mort assassiné sans faire allégeance

Mais dans la déferlante de la fièvre des espoirs de liberté trop longtemps contenus et catalysée par l’inhumanité d’une répression coloniale devenue insupportable, Léopold Sylvère BONDEKWE et ses amis de lutte seront hélas mis en minorité. L’option de la construction politique d’une indépendance patiente mais, à terme, totale et aboutie sera alors battue en brèche et pour tout dire, mise de côté. Honnis, voués aux gémonies et jetés en pâture, Léopold Sylvère BONDEKWE et Cie seront livrés à la vindicte populaire. L’homme de lettre qui était aussi le chantre des arts, l’homme politique, le fin diplomate, le pacificateur des gouverneurs LUBAYA et MUKENGE, le magistrat, l’homme du conclave de Lovanum est brutalement assassiné le 14 Août 1964.

Au peloton rebelle de bidasses d’inspiration léniniste qui forme cette expédition exécutrice, il refuse de faire allégeance et rechigne de brader sa rectitude morale sur l’autel d’un culte iconique de la personnalité que ses tortionnaires veulent lui imposer. Affichant fière allure face aux canons des fusils de ses assaillants, il refusera de se voir bander les yeux, préférant ainsi tutoyer la mort en face et prononcer d’un ton prophétique et testamentaire des mots resteront à jamais comme un legs éthique pour les millions de Congolais et de Congolaises d’aujourd’hui :

« Je préfère mourir debout et libre que vivre à genoux et asservi».

Léopold Sylvère BONDEKWE meurt à 39 ans seulement comme le Pasteur Noirs Américain Martin Luther King quelques années plus tard épaississant encore davantage le mystère d’un homme brillant au destin brisé.

L’HOMME DISPARU, LA LÉGENDE D’UN DESTIN HORS PAIRE PEUT SE METTRE EN MARCHE.

Au soir de ses obsèques son fils Edouard Jean Michel BONDEKWE à peine âgé de seize ans et tenant la main de son cadet Jean Napoléon François BONDEKWE diront en chœur aux villageois éplorés venus compatir avec eux « Tenez bon, le Congo vaincra ». Une phrase qui n’est pas sans rappeler la devise d’un parti progressiste congolais qui verra le jour 18 ans plus tard.

Médusé ce jour à Kisangani, un tribun de Saïo dira de ces deux jeunes
orphelins ceci : « Je les ai souvent vu travailler avec feu Papa Silvère jusque tard dans la nuit. Je ne suis pas surpris par leur précocité. Ils étaient préparés à ce qui nous arrive. Aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre d’année ».

Voilà qu’en croyant éliminer aussi bien physiquement qu’idéologiquement Léopold Sylvère BONDEKWE, ses assassins ont sûrement ignoré, que soustraire de la terre un esprit aussi visionnaire est souvent le meilleur
moyen de l’immortaliser aux yeux de tous et des faits têtus de l’histoire.
Aujourd’hui, à la lumière de la refondation démocratique du Congo née de la transition civile de janvier 2019 à la magistrature suprême, l’heure n’est-elle pas venue pour la République de reconnaître et d’estampiller de son sceau indélébile et à sa manière cette page si singulière de notre roman national ? Parce que l’idée même d’une société de mémoire s’impose à toute république, celle du Congo démocratique ne peut être oublieuse des
figures tutélaires de son histoire et se complaire du seul chant panégyrique des générations post-coloniales.

En tout état de cause, l’épopée BONDEKWE en RDC ne fût pas pour
l’indépendance du pays une banale histoire de sagesse mais une sagesse dans l’histoire. Alors qu’une partie des acteurs prépondérants de la scène politique congolaise continue encore à « lâcher la proie pour l’ombre », à filer du mauvais coton avec l’intérêt général et les affaires de l’Etat, en fins limiers Jean Napoléon François BONDEKWE et son neveu Bô BONDEKWE
analyste stratégique et sécuritaire décryptent patiemment la grille du présent avec des lunettes du passé. Un passage de flambeau pourrait-on dire. Qui a dit que le patriotisme méthodique n’était pas atavique ?

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