Egypte: le changement c’est maintenant?

Le premier tour des élections présidentielles a été organisé de manière à produire le résultat que Washington et le pouvoir égyptien poursuivent, c’est à dire renforcer l’alliance entre les deux piliers du système : le haut commandement de l’Armée et les Frères musulmans.

 

Dans un précédent document intitulé « La révolution arabe : un an plus tard » (14/3/2012), j’expliquais les raisons principales qui ont conduit à la victoire des Frères musulmans dans les élections parlementaires de janvier. On pouvait y lire :
« Le succès de l’islam politique exige en outre des précisions sur la relation entre la réussite de la mondialisation impérialiste, d’une part et la montée des slogans de la Confrérie d’autre part. »
La détérioration qui a accompagné cette mondialisation a engendré une prolifération des activités du secteur informel de l’économie et de la vie sociale. Ce secteur représente la principale source de revenus pour la majorité des gens en Egypte (les statistiques disent 60%).
Les organisations de la Confrérie ont un réelle capacité à travailler dans ces conditions, si bien que le succès de la Confrérie dans ces secteurs a lui-même à son tour engendré une plus grande inflation de ces activités pour ensuite assurer sa reproduction sur une plus grande échelle.
La culture politique offerte par la Confrérie est connu pour sa grande simplicité. Cette culture se limite à conférer une « légitimité » islamique au principe de la propriété privée et aux relations du « libre » marché, sans considérer la nature des activités concernées. Or ce sont des activités rudimentaires (Bazaar) qui sont incapables de pousser vers l’avant l’économie nationale et de la mener vers son développement.
En outre, la mise à disposition de fonds importants par les pays du Golfe a permis le boom de telles activités puisque ces Etats ont alimenté les fonds requis sous forme de petits prêts ou de subventions. Cela s’ajoute aux travaux de charité (cliniques, etc) qui ont accompagné ce secteur gonflé, toujours grâce à l’appui des Etats du Golfe. Les Etats du Golfe n’ont pas l’intention de contribuer au développement des capacités productives de l’économie égyptienne (construction d’usines, etc), mais seulement de contribuer au développement de cette forme de « lumpen développement ». En effet, la relance de l’Egypte comme pays en voie de développement mettrait fin à la domination des Etats du Golfe (qui est basée sur l’acceptation du slogan de l’islamisation de la société), à la domination des États-Unis (qui implique que l’Egypte soit un Etat compradore infecté par l’aggravation de la pauvreté), et à la domination d’Israël (ce qui implique une Egypte impuissante face à l’expansion sioniste).
Cet axe entre d’une part une autorité qui se cache derrière les slogans « islamiques » tout en succombant devant le capitalisme impérialiste qui prévaut et d’autre part l’appauvrissement de la population n’est pas spécifique à l’Egypte. Il s’agit d’une caractéristique commune à la plupart des sociétés arabes et islamiques. Cet axe est à l’œuvre en Iran, où le khomeinisme a assuré la domination de « l’économie de bazar » depuis le début. Il est également la cause de la catastrophe somalienne, où l’Etat a été supprimé de la liste des Etats du monde « contemporain ».
Le premier tour des élections présidentielles (23/24 mai) a été organisé de manière à produire le résultat que Washington et le pouvoir égyptien poursuivent, c’est à dire renforcer l’alliance entre les deux piliers du système : le haut commandement de l’Armée et les Frères musulmans. Et d’assurer que « rien ne sera changé ». Cela suppose également que les deux partenaires doivent trouver une solution à leur compétition pour décider qui sera « aux commandes » ou semblera l’être.
Les deux candidats sélectionnés pour le plan en œuvre étaient Mohamed Morsi (Frères musulmans) et Ahmad Chafiq (l’ancien Premier ministre de Moubarak). Les deux ont bénéficié d’un soutien financier massif et d’accès à des moyens pour leur campagne que les autres candidats ne pouvaient pas obtenir, en particulier Hamdeen Sabbahi, le meilleur représentant du mouvement pour la démocratie, le progrès social et l’indépendance nationale. Ce candidat n’est donc pas acceptable pour Washington.

Les résultats officiels ont donné 24,7% à Morsi, 23,6 à Chafiq et 20,7% à Sabbahi. Ces résultats ont été organisés de manière à éviter que Sabbahi puisse se présenter au second tour. Ces pratiques malhonnêtes de la soi-disant démocratie ont été ignorées par les médias occidentaux. Le peuple égyptien est pleinement conscient que la lutte doit continuer. Voyons ce qui va se passer…

 

Dessin : Carlos Latuff

Source orginale : Pambazuka

Traduit de l’anglais par Investig’Action

Source : Investig’Action

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