Un pape africain, s’il vous plaît, Seigneur !
Le monde est multicolore, ne l’oublions pas. Un pape noir redonnerait à l’Église un éclat mondial considérable, comparable à celui produit pour la démocratie par l’élection d’Obama. En face d’une Europe de plus en plus désinvolte dans sa foi, presque amnésique de ses racines chrétiennes, l’Afrique enregistre une progression impressionnante du nombre de ses fidèles : une hausse de 66 % entre 1910 et 2010.
En Europe, la papauté discute théologie et abus sexuels, en Afrique, où animisme et exorcisme tiennent lieu d’abus de conscience à Rome, la priorité serait sans doute de réduire la gravité de l’intolérance de certaines religions envers les chrétiens.
Au Nigeria, par exemple, le pays est divisé entre un Nord où la majorité est musulmane et un Sud où elle est chrétienne – le cardinal John Onaiyekan y prêche le rapprochement pacifique entre chrétiens et musulmans, mais l’Église est vieille, donc frileuse, si bien qu’il ne figure pas dans le peloton des favoris à la nomination du 266e vicaire du Christ.
Pourtant, la parole d’un pape noir pourrait contribuer à accélérer le processus de construction d’un islam éclairé, contrairement à celui où la violence est trop souvent associée à la religion. Et faire admettre que la liberté religieuse de chacun est un droit fondamental. Benoît XVI avait déjà appelé « tous les États à respecter et, si besoin est, à protéger les minorités religieuses ». Il ajoutait que dans les pays où la liberté de religion avait été bafouée, les dictatures s’étaient mises en place. Ce qui fut malheureusement vérifié. C’était en 2010 et sa petite voix un peu tremblée n’avait pas eu l’écho mérité, peut-être parce qu’il avait commis la gaffe de sa vie, l’année 2009, en « déconseillant » (ce mot pour ne pas avoir Boutin sur le dos) l’usage du préservatif, au prétexte que celui-ci contribuait à la propagation du sida. Comme quoi Sa Sainteté a toujours été protégée des tentations de la chair. Mais l’élévation de l’esprit a ses limites.
Les Italiens prêchent pour leur paroisse et veulent un Italien
Benoît XVI quitte ses fonctions le 28 février et commencera alors, dans les vingt jours qui suivent, une campagne politique aussi féroce que celle des primaires à l’UMP. Le conclave (cum clave, sous-clé), qui bouclera 118 cardinaux, dont 11 Africains, dans la chapelle Sixtine pour procéder à l’élection, a ses règles : avoir moins de 80 ans. Comme à l’Académie française. Être à jour de ses cotisations. Comme au PS. Ne pas voter pour soi – une exception à souligner. Dans ce délai imparti, l’intendance n’est pas une mince affaire. La majorité des cardinaux vient des quatre coins du monde. Il y a même un Chinois. Il faut donc prendre les dispositions nécessaires au logement des cardinaux, de leurs infirmiers et de leurs enfants de choeur. Ce dernier point, pouvant évoquer aux esprits mal tournés des tentations superflues, valait d’être vérifié.
Réponse de l’Archevêché : « Pour toute demande d’information à caractère religieux, écrivez au Pôle information, nous vous répondrons sous 48 heures. » On dirait du François Hollande dans le texte : « La France ne présentera pas de candidat au Saint-Siège, même s’il y a des catholiques au PS. » Très drôle. Et comme il n’y a pas que la foi qui sauve, des cardinaux écolos ont déposé un amendement pour remplacer le fumigène blanc ou noir qui annonce le résultat du vote par un tweet depuis le compte Pontifex. Piété, quand tu nous tiens ! Surtout pendant les réunions de chapelle qui se multiplient, chacun faisant campagne pour son candidat. Les Italiens prêchent pour leur paroisse et veulent un Italien… Ils ont leurs chances.
Les bookmakers, eux, rivalisent de paris sur les papabili et semblent convaincus que le prochain pape aura moins de 70 ans. Net avantage aux Africains. Quatre noms font la course en tête. Marc Ouellet, 68 ans, Canadien, très, trop proche du pape : il déclare que l’avortement est un crime, même après un viol. Son atout : président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine dont la religiosité est très cotée au Vatican. N° 2 : Francis Arinze, Nigérien. A plaidé pour l’usage du préservatif – on est plus pragmatique au Niger qu’à Rome. Mauvais point : 80 ans, risque d’être éliminé. N° 3 : Robert Sarah, 69 ans, Guinéen. Prêtre à 24 ans, évêque à 34. Président du Conseil pontifical, superbrillant. N° 4 : Peter Turkson, Ghanéen. 64 ans. En charge de la justice et de la paix au Conseil pontifical.
Le seul à posséder un merveilleux sourire, signe de vitalité, de bienveillance, d’ouverture sur le monde. Charismatique comme Obama, le geste souple, un rien désinvolte parmi tous les ambitieux qui se haussent du col pour emporter la tiare, devant un micro où il est prié de donner son pronostic sur le futur gagnant, il résume toute la question de l’universalité de l’Église : « Si Dieu voulait voir un Noir en tant que pape, que gloire soit rendue à son nom. » On est d’accord.