Pensées afrodescendantes

Les 21 et 22 mai 2025, le symposium « Identités genrées, Espaces racialisés » s’est tenu à Paris, à l’initiative du collectif Black | France | Noire. Réunissant chercheur·euses, artistes, militant·es et intellectuel·les afrodescendant·es venu·es de l’espace francophone et au-delà, cet événement a exploré les enjeux liés aux identités noires, à la race, au genre et à la représentation dans la sphère publique.                  

Croisant perspectives historiques, politiques, culturelles et artistiques, les échanges ont abordé des questions fondamentales : Comment se définit-on ? Comment refuse-t-on l’assignation ? Comment penser ensemble la mémoire, l’action et la réparation ?

Christiane Taubira au sujet de l’expérience noire

Tout au long des interventions, le concept d’expérience noire est revenu comme une trame fondamentale. Vécue, située, genrée et racialisée, cette expérience s’est imposée comme point de départ pour penser les identités noires au-delà des définitions figées. Lors d’un échange, Christiane Taubira posait une question essentielle :
« Comment on se laisse définir ? »,
interrogeant les dynamiques de représentation et soulignant les tensions entre assignation et auto-définition dans l’espace public.

À cette même question, la romancière Diaty Diallo a répondu :
« En ne les définissant pas du tout, toutes ces identités peuvent possiblement apparaître. »
Une réponse qui résume l’esprit de l’événement : refuser les catégories figées pour laisser émerger la pluralité des vécus, des trajectoires, des filiations et des formes d’être noir·e.

Fabrice Taraud

Circulations transocéaniques et hybridités identitaires

Les discussions ont mis en lumière la richesse des croisements entre pensées caribéennes, afro-françaises, afro-anglaises et transocéaniques. Cette circulation d’idées et de références a nourri une réflexion sur les identités mouvantes, hybrides et non assignées. Ce refus de l’uniformité et de la catégorisation rigide est apparu comme central dans l’ensemble des interventions.

Une sororité politique et flamboyante

Si la question du genre a structuré en profondeur les débats les deux journées ont été marquées par une sororité flamboyante et une puissante présence féminine. Penseuses, historiennes, chercheuses et activistes, notamment Rokhaya Diallo, Maboula Soumahoro, Mame Fatou-Niang, ont rappelé la force du rôle des femmes noires dans les luttes et la pensée critique.

Des figures comme Léa Mormin-Chauvac, Jacqueline Coudis, Corine Labridy ou Terry Simone Francis ont mis en lumière l’apport historique et contemporain des femmes noires. Elles ont notamment revalorisé les figures trop souvent oubliées que sont les sœurs Nardal, Jane Léro, Solange Fitte-Duval ou encore Joséphine Baker.            

Fabrice Taraud

                                                                                                                                                                                       

Penser et agir : une praxis incarnée

Le concept de praxis, entendue comme union de la pensée et de l’action, a traversé plusieurs interventions. Des personnalités comme l’écrivaine et boxeuse Aya Cissoko ou encore la militante Assa Traoré ont incarné cette articulation entre engagement politique, expérience vécue, mémoire et réparation.


« Nous voulons sauver la France, nous ne sommes pas contre la France. Assa Traoré.

Un propos qui recentre l’engagement des afrodescendant·es comme partie intégrante d’un projet commun, en tant que sujets politiques et culturels à part entière.

Revendiquer l’espace public, sans concession

Au-delà de la prise de parole, c’est la question de la présence noire dans l’espace public qui a été posée. Il ne s’agit plus d’y demander sa place, mais d’y affirmer une existence déjà en cours. Comme le rappelait Christiane Taubira :


« Nous sommes déjà dans l’espace public. »