Paul Biya poursuivi en France pour détention arbitraire
Ex-avocate de l’Etat camerounais, la franco-camerounaise Lydienne Eyoum-Loyse est détenue depuis de nombreux mois à Yaoundé pour « crime financier ». Elle a été arrêtée dans le cadre de l’opération « Epervier » dédiée à la lutte contre la corruption. Cependant, ses avocats dénoncent une détention arbitraire sur fond de règlement de comptes. Leurs demandes de mise en liberté provisoire ayant été rejetées, ils ont déposé plainte en France contre le chef d’Etat camerounais et d’autres officiels.
Paul Biya absent du Cameroun et visé par une nouvelle plainte en France. A Yaoundé, la capitale camerounaise, Mutations, un des principaux quotidiens nationaux s’interroge mardi sur l’absence prolongée du chef de l’Etat au pays. Celui-ci aurait dû regagner Yaoundé le 22 juillet, date de la fin de sa visite de trois jours en Chine. Ce qu’il n’a pas fait, bloquant du coup le fonctionnement des institutions, son régime étant extrêmement présidentialiste.
Pendant ce temps, à Paris, le président, déjà poursuivi dans l’affaire des biens mal acquisest visé par une nouvelle plainte. Cette fois, c’est pour une affaire relative aux droits de l’Homme qu’il est poursuivi. Vendredi, Mes Caroline Wasserman et Christian Charrière-Bournazel, les avocats français de Lydienne Eyoum-Loyse, ex-avocate au barreau du Cameroun, incarcérée depuis janvier à la prison centrale de Yaoundé ont déposé plainte contre Paul Biya lui et d’autres officiels, pour détention arbitraire. Sont également cités dans l’action judiciaire entamée auprès du doyen des juges d’instruction de Paris, le ministre de la Justice, Amadou Ali, ainsi que le président de la Cour suprême, Alexis Dipanda Mouellé, et des magistrats.
Opération « Epervier »
Lydienne Eyoum-Loyse a été placée en détention préventive le 8 janvier de l’année dernière, dans le cadre de l’opération de lutte contre la corruption entamée au début des années 2000 et baptisée « Epervier ». Selon ses avocats cités par Le Nouvel Observateur, la justice camerounaise accuse l’ex-avocate de crime financier. Elle est soupçonnée d’avoir perçu des honoraires sur des fonds qu’elle avait fait saisir à la Société générale de banque au Cameroun (SGBC) pour le compte et avec l’accord du ministère des Finances. Trois autres personnes, l’ancien ministre des Finances Polycarpe Abah Abah (poursuivi en même temps pour d’autres affaires de corruption), l’ancien ministre délégué au Budget, Henri Engoulou, et l’huissier ayant pratiqué la saisie des fonds, ont également été incarcérées pour la même affaire.
Cependant, pour ses avocats français, loin de cette affaire de « crime financier », Lydienne Eyoum-Loyse serait en réalité victime innocente de l’opération « Epervier », qui selon eux, « s’inscrit en réalité dans le contexte parfaitement malsain de rivalités politiques locales, hors de toute considération juridique ». Fille d’un ancien ministre du président Ahmadou Ahidjo, premier président du Cameroun (1958-1982), elle aurait, selon son mari, Michel Loyse, suscité de nombreuses jalousie au Cameroun. Dans leur plainte, ses avocats font valoir qu’elle est arbitrairement détenue et séquestrée « sans aucune justification légitime et sous le couvert d’ordres illégaux » données par des magistrats ou « des plus hauts responsables du pouvoir exécutif ».
Sa détention provisoire n’aurait pas dû excéder 18 mois. Cependant, bien que ce délai a expiré le 8 juillet, toutes les demandes de remise en liberté provisoires formulées par ses avocats ont été rejetées. Ceux-ci dénoncent par ailleurs ses conditions de détention dans une cellule exigüe de 12 m2 qu’elle doit partager avec 20 autres prisonniers et dans laquelle s’invitent rongeurs et cafards. Toutefois, depuis mars, elle a pu regagner une autre cellule pour deux, aménagée à ses frais par son époux.
Mme Eyoum-Loyse a acquis la nationalité française en prison du fait de son mariage à un Français. La plainte déposée vendredi avec constitution de partie civile doit aboutir à la désignation d’un magistrat instructeur. Yaoundé n’a pas encore réagi.