Cameroun ; elections : Lapiro de mbanga s’exprime
Dans un contexte sociopolitique marqué par les arrestations parfois arbitraires de citoyens dans le cadre de la poursuite de l’opération Epervier qui fait des ravages dans les milieux des hauts fonctionnaires et autres cadres du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, parti au pouvoir), l’opinion publique nationale s’est souvent interrogée sur les critères de choix des cibles de la dite opération.
Le Premier ministre Philémon Yang a récemment mis en garde les médias qui, selon lui, ont tendance à politiser les procès. Des affaires qui, selon le chef du gouvernement camerounais, n’auraient rien de politique. Une position assez controversée sur une opération où beaucoup voient une certaine volonté de ceux qui la pilotent de réduire au silence les éventuels rivaux politiques du chef de l’Etat. Lesquels sont accusés, entre autres choses, de détournement ou de tentative de détournement de fonds publics.A la suite d’un point de presse avec les journalistes de la presse nationale et internationale le samedi 27 août 2011 à Douala consacré à son soutien pour la libération de tous les prisonniers arbitrairement arrêtés du Cameroun, l’artiste musicien Lapiro de Mbanga, qui vient de purger trois années de prisons dans des conditions qu’il juge déplorables pour son pays – qui compte une vingtaine de milliers de détenus -, a expliqué le sens de son engagement.
On vous a aperçu récemment aux côtés de Paul Eric Kingué. Aujourd’hui, vous vous engagez dans le Comité de soutien pour la libération d’Yves Michel Fotso. Peut-on savoir pourquoi ?
J’ai été incarcéré pendant trois ans. Je sais comment ça se passe en prison. Je viens de passer trois ans d’injustice dans un pays où fut enterré il y a quelques décennies mon cordon ombilical. Je ne compte pas payer les dommages et intérêts liés à ma condamnation. Je préfère laisser l’argent que l’on me réclame aux enfants. Ai-je le droit d’apporter mon soutien à un citoyen en difficulté dans notre système judiciaire ?
Je suis un habitué des comités de soutien aux personnes arbitrairement arrêtées. J’adhère au Comité de soutien pour la libération d’Yves Michel Fotso comme je l’ai fait il y a vingt ans, en 1991, pour Célestin Monga et Pius N. Njawé. Vous savez que j’apporte également mon soutien à Paul Eric Kingue. Je veux aussi me battre pour la libération de Me Etienne Abessolo.
Quelles sont les motivations de votre engagement ?
Notre pays, ses passe-droits et toutes les formes d’injustice que subissent mes compatriotes, cela au tréfonds de l’âme m’est véritablement devenu pénible à vivre. Nous sommes contre les dérives de la Justice. Je vais sortir un nouvel album et J’envisage d’écrire un livre qui parlera des dérives de la justice camerounaise. Sous le prétexte très mensonger du maintien de la paix sociale, une certaine utilisation de l’institution judiciaire continue à pérenniser le culte du mutisme imposé par les puissances colonisatrices.Autrement dit, certains lobbys mafieux de notre politique s’obstinent à nuire à des citoyens de la République au nom de je ne sais quelle légitimité ! Que fais Yves Michel Fotso en prison à Kondengui, à Yaoundé depuis 2010 ? Pourquoi ne le garde-t-on pas à Douala où il réside ? Pourquoi garder arbitrairement en prison un citoyen qui offre des garanties sûres, notamment un domicile connu de tous ? Hier, c’était moi, aujourd’hui c’est Yves Michel Fotso, demain à qui le tour ?
Face à de tels manquements que pouvons-nous faire si ce n’est de nous mobiliser au sein des mouvements qui, comme celui-ci, concourent à faire germer notre vision du pays ? Voilà pourquoi j’ai librement décidé d’adhérer au Comité de soutien pour la libération d’Yves Michel Fotso.
Que pensez-vous de l’opération Epervier ?
Même les magistrats dénoncent les tares de l’opération Epervier visant à garder les gens en prison pendant des semaines, des mois et des années avant de les juger ! L’affaire pour laquelle Yves Michel Fotso est gardé en prison est assez particulière. Des dispositions du code de procédure pénale ne sont pas respectées. Si on bafoue les textes, si on viole la procédure, c’est qu’il y a problème. Le respect du code de procédure pénale est important dans un Etat de droit. On viole les textes de lois dans notre pays.
Le Premier ministre a demandé aux medias d’éviter de politiser l’opération Epervier. A votre avis, qu’est-ce qui doit guider l’opération Epervier ?
Mes principes et mon éthique ne peuvent me permettre d’admettre le bien fondé d’une opération dite Epervier si cet Epervier n’est destiné qu’à nuire aux innocents. En ce qui me concerne, en tant qu’artiste, défenseur des droits de la personne et ancienne victime de ce système, je refuse catégoriquement cette forme de justice qui tue ses fils. Notre pays a besoin de se défaire de ses différences et progresser vers une société d’harmonie, de justice et de paix. Mais une paix véritable ne peut se construire sur « l’emprisonnement » d’innocentes victimes.
Vous connaissez bien mon parcours militant pour la noble cause des droits de l’homme qui date des années 80. Je n’ai jamais caché mon appartenance au côté du grand peuple camerounais. L’opinion publique nationale en particulier et internationale, d’une manière générale, doit donc connaître la vérité, toute la vérité sur le drame que vit la famille Fotso en général et Yves Michel Fotso en particulier. C’est le sens de mon engagement, c’est le sens de notre combat.