Cofinest, un exemple de microfinance en crise au Cameroun
Le 18 février dernier, l’un des principaux établissements de microfinance du Cameroun fermait les portes de ses 27 agences à travers le pays, semant la panique parmi plusieurs dizaines de milliers d’épargnants. Une liquidation qui relance une fois de plus le débat autour de la microfinance au Cameroun.
« 12 millions ! J’ai fait un versement le jour même de la fermeture ! Je reviens le lendemain et je trouve les portes verrouillées ! » Devant l’agence centrale Cofinest (Coopérative financière de l’estuaire) de Yaoundé, mercredi 2 mars 2011, Crécence, la trentaine, oscille entre colère et incompréhension parmi une centaine d’épargnants venus réclamer leur argent.
Ils sont au total 45 000 à travers le pays à avoir appris subitement la liquidation de leur établissement sur demande de la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac), gendarme financier de la région qui, depuis 2007, avait placé l’établissement sous administration provisoire. « Si la Cobac a pu gérer Cofinest pendant trois ans, ça veut dire qu’elle est responsable quelque part ! Je demande à la Cobac et au gouvernement de tout faire pour que nous retrouvions nos sous », s’exclame un épargnant.
Depuis le 18 février, les déposants tiennent indifféremment pour responsables les actionnaires, la Cobac et leur gouvernement, de la liquidation de Cofinest. En cause : un nombre trop important de crédits compromis, accordés à une poignée d’actionnaires, aujourd’hui accusés par les autorités et la Cobac d’avoir ruiné la banque en s’octroyant des crédits de complaisance.
La microfinance, un marché porteur mais peu encadré
Au Cameroun, la microfinance souffre de graves problèmes de gouvernance. Moins de 5% des Camerounais ont accès au système bancaire classique, ce qui favorise la ruée vers les établissements de microfinance (EMF), spécialisés dans la collecte de petites épargnes, plus accessibles et moins regardants sur les conditions d’octroi de crédits. On estime à environ 1,5 million le nombre de Camerounais qui leur confient leur argent.
Mais ce marché porteur n’est pratiquement pas encadré. Maximim Ongolo, en charge de la promotion et de l’encadrement du secteur au ministère des Finances, reconnaît de graves problèmes liés à la qualité des dirigeants. « Avec plus de 1000 établissements, l’Etat n’aura jamais les moyens adéquats d’assurer totalement la régulation du secteur », explique-t-il en appelant à l’autorégulation. Le Dr Robert Soh Tangakou, expert financier, souligne par ailleurs que ces EMF n’ont pas de fonds de garantie à l’inverse des établissements bancaires classiques, ce qui explique qu’en cas de liquidation, seuls les petits épargnants parviennent généralement à recouvrer leurs créances, le sort des gros comptes dépendant du recouvrement des crédits, plus aléatoire.
Des remboursements au compte-gouttes
Les « gros » épargnants de Cofinest l’ont bien compris et le lancement mardi 1er mars d’une opération de remboursement au compte-gouttes n’a pas apaisé leur colère. Le ministre des Finances, Lazare Essimie Menye, a promis que les 37 000 « petits » clients de Cofinest dont les comptes n’excèdent pas 100 000 francs CFA seront remboursés progressivement, avant de passer aux « gros » comptes. Ceux-là promettent déjà de revenir chaque jour se regrouper devant Cofinest pour réclamer leur dû.
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