Comment les africains doivent s’attaquer aux cercles de décisions européens
Annie Mutamba et Méridia Partners outillent les africains en matière de lobbying.
Méridia Partners est une agence de communication spécialisée dans les affaires européennes, créée par Annie Mutamba, une ancienne lobbyiste européenne de 41 ans d’origine congolaise.
L’agence s’est fixée pour objectifs d’outiller les Africains en matière de lobbying, car selon elle, les intérêts africains, les idées africaines brillent par leur absence dans les cercles politiques et économiques de décideurs européens.
Fort d’une décennie d’expérience au sein des institutions européennes, Annie nous explique,
« Souvent quand on parle d’Afrique dans ces sphères, ce n’est qu’en terme de coopération au développement, donc d’une relation donateur /bénéficiaire. Il y a des experts et des intérêts africains qui ne sont pas connus des européens surtout dans le secteur privé. Ils ne connaissent finalement pas l’écosystème africain au-delà du monde de la coopération, des ONG et des agences européennes. »
Après des études en communication et relations internationales en Belgique, c’est l’Amérique qui a ouvert les portes de l’International à Annie, grâce à un job obtenu à Washington, au centre d’information sur la politique africaine, un centre chargé d’étudier toutes les politiques et les lois votées au congrès ayant un impact sur le continent africain. Un premier pas dans le monde du lobbying et de la communication d’influence.
« J’y suis restée 2 ans, les USA ne me faisaient pas rêver. Je suis revenue en Belgique pour valoriser cette expérience. Malgré cela en Belgique, j’avais du mal à me faire engager. L’emploi des Noirs restait compliqué, la Belgique n’était pas prête. C’est donc une boite privée internationale qui m’a engagée en Commission Européenne, et j’y suis restée 10 ans. »
Annie intègre le lobby de la chimie, le plus puissant d’Europe après la chambre américaine de commerce. Car, nous dira-t-elle, il n’y a pas une seule décision européenne prise en commission sans leurs avis. Annie constate avec amertume qu’en amont des décisions, quand on parle de sujets qui concernent les intérêts de l’Afrique, de l’accès aux matières premières, à l’efficacité énergétique ou au climat… les Africains ne sont jamais autour de la table.
Fort de tout ceci, Meridia Partners et Annie Mutamba se sont donné pour rôle de mettre les individus, les entreprises ou les groupes d’entreprises et les associations en relation avec les cercles de décisions. Une démarche économique certes, mais surtout militante, car Annie veut avant tout changer les choses. Au sein de l’entreprise, elle a développé le pôle formation pour assurer un relais et faire partager son expérience aux jeunes motivés.
«Car la tâche est colossale, et c’est pour cela qu’il faut qu’on soit une armée, raison pour laquelle nous mettons l’accent sur le pôle formation»
Trois questions clés à Annie Mutamba
Le marché européen est-il ouvert aux entreprises africaines ?
Non ! Il ne l’est pas du tout, on le sait. Notre positionnement n’est pas forcément d’amener les acteurs africains dans une logique d’exportation de produits, mais simplement de faire en sorte que lorsqu’on discute d’une stratégie d’accès aux matières premières, des pays africains puissent au moins le savoir.
Comment jugez-vous le rôle des ambassades africaines ?
Dans ce contexte-là, il est inexistant ! Je crois que c’est structurel. On s’est rendu compte qu’il n’y avait souvent pas de personnes chargées spécifiquement des affaires européennes dans ces ambassades, alors qu’elles sont toutes des ambassades accréditées auprès de l’UE. L’Europe, quand elle communique avec les ambassades africaines, c’est souvent pour leur envoyer des invitations. On est donc toujours dans une démarche d’attente. Or il faut mettre le pied dans la porte car Bruxelles est sursaturée d’informations et il faut y aller soi-même. Sans proactivité, on subit tout, et c’est le cas.
Quid des ACP (Le Groupe des Etats d´Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), organisation instituée par l´Accord de Georgetown en 1975) ?
On le sait, c’est un instrument de l’UE, financé à 100% par l’UE, c’est leur instrument de développement !