« Métastase », le nouveau film du franco-camerounais Dieudonné
Comme le dit Dieudonné, de son magistral cynisme : à quoi ça sert un pygmée ? Ca n’a pas de pouvoir d’achat… pas de drapeau, aucune armée… ça fait des petits bruits comme ça, mais ça n’existe pas vraiment, ça n’a pas d’identité…juridiquement parlant bien sûr.
Mercredi dernier, nous étions à La main d’or lors de l’avant première du 2ème film de et avec Dieudonné : Métastases.L’arène de l’humoriste s’était transformée pour l’occasion en salle de cinéma surchauffée par un public enthousiaste, complice et rieur, où une climatisation défectueuse nous plongea – à propos – dans une chaleur quelque peu tropicale et tout à fait africaine.
À tout seigneur tout honneur !
Dépaysement garanti, donc, d’avec les complexes multi-surround, 3D-HD à la fraîcheur synthétique des UGC et MK2… où nous aurions pu nous rendre pour le même prix, et divertir notre inconscience de consommateur devant une brochette de comiques made in France, boboïsés, singeant ce jour-là des footballeurs reconvertis…
En même temps, on peut se demander : à quoi bon lutter pour son émancipation mentale, quand notre occident met tous les conforts à disposition de ceux qui ne le questionnent pas ?
Franchement, la réponse est aisée, car même si vous additionnez le talent des 100 comiques les plus médiatiques, ils n’arriveront jamais à la cheville du poids lourd irrévérencieux qu’est Dieudonné M’bala M’bala ! C’est un peu comme si vous mettiez en balance les quelques chefs d’État européens freluquets et le gorille bolivarien Hugo Chavez… Seuls les opportunistes et les plus ignorants refuseront de s’ouvrir à cette vision alternative, voire libératrice, et médiront l’évidence de toute leur insolence…
Mais alors, qu’est-ce que Métastases dans le corps formaté du cinéma humoristique français ?
Dieudonné déjà, en tant que réalisateur-acteur, avait frappé fort l’année dernière avec son film L’antisémite. Une comédie dans laquelle son personnage était atteint d’un farouche« syndrome d’antisémitisme aigu », fantasmant de douches polonaises et spéculant sur un Holocauste inachevé… Une sorte d’ulcère du comportement qu’il tentait de faire psychanalyser pour guérir et ainsi honorer le voeu de sa femme en phase terminale d’un cancer généralisé.
Le cancer justement, thème récurrent chez Dieudonné, qui initialement était le sketch final de son spectacle Mahmoud, – encensé courageusement et publiquement par Patrick Sébastien – et qui est devenu depuis, le sujet central de sa nouvelle comédie au titre désormais limpide pour tous.
L’artiste rend avant tout hommage à certains de ses proches victimes de la cruelle et obscure maladie, et en particulier au maître quenellier Romain, présent dans la salle ce soir là, et récemment sorti de cures de chimiothérapie…
Un parcours empoisonné
La première partie du film nous présente un Olivier Sauton taxi-driver le jour et saxophoniste funky la nuit, qui semble fragilisé depuis quelques temps par un mal inconnu. Amaigri, frissonnant, et pris de quintes de toux sanglantes, sa douleur s’accentue à mesure des reproches égocentriques et caractériels de sa fiancée, Juliette Montel… Il se lance alors bon gré mal gré dans le parcours solitaire du diagnostic, entre conseils d’amis et insomnies, salles d’attente et docteurs douteux, pour finalement – face aux implacables résultats de ses analyses de sang – se rendre chez un grand cancérologue, proclamé spécialiste d’une maladie dont on ne connaît pas grand chose… Le plan de bataille est dressé, la contre attaque s’annonce totale, le corps tout entier subira le même sort que la tumeur localisée : l’heure de la chimiothérapie va sonner !
Face à la radicalité belliqueuse du traitement du docteur Müller, notre musicien déchante sérieusement. Voyant que le remède est peut être pire que le mal, il décide de suivre son intuition et les conseils de son ami lésé, Dieudonné, accessoirement bassiste virtuose…
Bienvenue au Cameroun
C’est donc en terre Africaine que notre malade, accompagné de sa « douce » et guidé par Dieudonné, trouvera l’élixir à sa maladie. Précisément dans le sud-ouest du Cameroun, parmi les Bagyeli, ethnie de pygmée totalement marginalisée, et ne dépassant guère aujourd’hui les 3000 individus.
Au-delà d’une guérison quasi « chamanique », cette deuxième partie de film nous entraîne aux fins fonds d’une jungle luxuriante, encore vierge de toute civilité, où Olivier peut enfin s’émanciper des afflictions et damnations de notre monde…cancérisé. Ce parcours initiatique n’est autre qu’un retour aux valeurs essentielles, primitives pour ne pas dire radicales de la Nature. Il faut savoir que ces petits bonhommes, les pygmées, sont tout simplement les premiers habitants de la forêt équatoriale : ils y vivent depuis 100 000 ans !
Et comme le dit Dieudonné, de son magistral cynisme : à quoi ça sert un pygmée ? Ca n’a pas de pouvoir d’achat… pas de drapeau, aucune armée… ça fait des petits bruits comme ça, mais ça n’existe pas vraiment, ça n’a pas d’identité…juridiquement parlant bien sûr !…
En effet, la forêt est leur seule maison, et la sève des arbres leur sang. Ils ne sont aliénés à aucun livre, aucune politique, aucune économie… Vivre en harmonie avec leur environnement demeure leur science et leur seule philosophie, antidotes parvenant à soigner et sauver les corps et les âmes d’un hyper Occident vicié et destructeur sous couvert d’un pseudo progressisme scientifique.