Angelique Kidjo : Africaine du monde
Elle voulait devenir avocate des droits de l’Homme, c’est finalement avec la musique qu’Angélique Kidjo a décidé de se battre contre les injustices et la misère humaine. Retour sur le parcours d’une femme qui donne à la musique le pouvoir d’élever les consciences. Elle est en concert à New York le 28 octobre et le 1er novembre.
Rendez-vous pris un dimanche après-midi dans sa maison de Brooklyn avec celle que les médias surnomment « la Diva Africaine ». Pourtant, c’est un petit bout de femme qui arrive, à qui on donnerait à peine ses 48 ans. Mais tout de suite, Angélique s’impose par sa présence et son énergie hors-du-commun. Depuis le mois d’octobre, pour la promotion de son nouvel album, elle enchaîne les concerts aux Etats-Unis, revient tout juste de Milan, sera pour deux dates à New York la semaine suivante, avant de repartir pour Londres, et l’année prochaine l’Australie, la Nouvelle-Zélande peut-être…Infatigable, la chanteuse, qui a vécu au Bénin, en France et à New York, dit se sentir à l’aise partout.
Angélique Kidjo en concert le 28 octobre et le 1er novembre à New York.Son secret ? Son identité africaine qu’elle assume et revendique. « Si on n’a pas d’identité, on ne peut rien faire. C’est grâce à elle que je peux me confronter à toutes les autres cultures sans me perdre en chemin ». Et à toutes les musiques aussi. Angélique ne se reconnait aucune influence en particulier. « J’ai tout écouté quand j’étais gamine », du rock aux tubes des yé-yé, en passant par la funk, la soul américaine, le jazz et bien sûr la musique traditionnelle béninoise. Ses chansons sont le fruit de toutes ces rencontres musicales, et rien ne l’agace plus que lorsque les médias essaient de la catégoriser. « La musique n’a pas de frontière. Mes albums sont de la musique point. Aucun genre en particulier. Différencier les musiques est une invention marketing ». La chanteuse n’admet qu’une source d’inspiration : elle-même. « Souvent je déstabilise les gens car je ne suis jamais là ou ils m’attendent. Je ne le fais pas exprès, je suis mon inspiration ».
Pour son onzième album, Djin Djin, sorti en mai 2007, son inspiration l’a menée chez elle, au Bénin. L’idée de départ était de « construire le disque autour des percussions de [son] pays, en faisant appel à des musiciens traditionnels ». Un retour à ses racines dont Angélique avait besoin, après un long voyage musical commencé en 1997 et qui l’a conduite, le temps de trois albums, aux États-Unis, au Brésil et dans les Caraïbes pour retracer l’histoire de l’esclavage. Une façon de clore un cycle, explique-t-elle. Pour cet hommage au Bénin, la chanteuse a également souhaité que ses amis l’accompagnent : Alicia Keys, Peter Gabriel, Carlos Santana, Joss Stone, sont autant de guest-stars sur l’album d’Angélique. Après avoir exporté la musique africaine tout au long de sa carrière, elle a voulu cette fois-ci emmener les autres dans son univers. C’est aussi le sens des deux reprises, version béninoise, de « Gimme Shelter » des Stones, et du « Boléro » de Ravel, car « toutes les musiques viennent d’Afrique ». Au final, Djin Djin (comme le son des cloches qui annoncent le levé du jour en Afrique), est un album dense et varié, ou la voix puissante d’Angélique diffuse une joie de vivre et un optimisme sincère.
Dès sa sortie, le disque a été acclamé par la critique internationale, surtout aux États-Unis, ou il a reçu le Grammy Award du meilleur album World de l’année. Un succès qui ne se dément plus, la chanteuse a déjà reçu des trophées en France, au Danemark, en Afrique, en Grande-Bretagne…la liste est trop longue pour être exhaustive, et qui récompense 20 années de travail assidu. « C’est pour ça que je ne prend pas la grosse tête, parce que je suis constante dans mon travail ». Cette réussite, Angélique a décidé de la mettre au service de causes humanitaires et caritatives. Depuis 2002, elle est ambassadrice de l’UNICEF, dont elle a elle-même bénéficié étant enfant. « Grâce aux vaccinations gratuites de l’UNICEF, j’étais en bonne santé. Et c’est la clé pour pouvoir recevoir une bonne éducation ». En 2005, elle a également crée l’association Batounga, qui œuvre pour la scolarisation secondaire des jeunes filles au Bénin, Mali, Sierra-Léone, Éthiopie et Cameroun.
Pour autant, cette responsabilité vis-à-vis du monde qui l’entoure, elle l’a toujours eu. Sa première prise de conscience politique remonte à ses 9 ans, lorsqu’elle découvre l’esclavage sur une pochette d’un disque de Jimi Hendrix : « Comment des noirs pouvaient aussi être américains ? ». Durant son adolescence, un sentiment de colère se met à l’animer : « Comment peut-on faire, chacun d’entre nous, pour ne pas mettre en danger le genre humain ? ». Elle décide alors de devenir avocate des droits de l’homme. Espoir rapidement déçu quand elle comprend que les lois ne sont souvent pas au service de la Justice. Mais Angélique réalise aussi qu’à l’absurdité de ces lois s’oppose l’universalité de la musique.
« Par la musique, je cherchais un moyen de créer un pont de compréhension entre les hommes ». « Quand je suis en concert, j’ai le monde devant moi » explique celle qui déteste le studio et préfère l’intensité des lives. Et Angélique l’humaniste s’anime, s’emporte contre les injustices, le racisme, le malheur des hommes. Elle se met en colère contre les gens qui préfèrent mettre des pulls à leurs chiens que secourir les SDF. « Tout le monde a le pouvoir de changer quelque chose dans sa et dans celle des autres ». « Les gens me touchent, le monde me touche, c’est pour cela que j’écris. Je n’écris pas pour me faire plaisir ». Elle raconte avec des frissons comment elle veut que ses chansons recréent l’espoir. « Ma plus belle récompense, c’est de voir les gens me remercier, me dire qu’ils ne croyaient pas que c’étaient possible qu’une musique leur fasse autant d’effets »
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