Cette femme est-elle un homme ?

Caster Semenya, la nouvelle championne du 800 mètres, est suspectée d’être un champion. Les raisons : un physique masculin et 2″45 d’avance sur les autres.

Depuis qu’elle a décroché l’or, ils ne parlent que de son sexe. Comme ses consœurs, Caster Semenya, nouvelle championne du 800 mètres, a les jambes musclées et de gros biceps. A priori normal pour une championne d’athlétisme de haut niveau. Mais, à la différence des autres, elle a la voix grave, les seins inexistants, un visage duveteux, des hanches étroites… Bref, une morphologie plus masculine que féminine, qui ne ferait sans doute pas autant jaser si cette parfaite inconnue sud-africaine de 18 ans n’avait pas été sacrée cette semaine à Berlin, en toute aisance : 1 min 55 sec 45, soit 2″45 d’avance sur les autres dames. Une performance qui fait dire qu’elle serait davantage un champion qu’une championne. Qu’elle pourrait être hermaphrodite, en somme, c’est-à-dire qu’elle pourrait présenter des attributs à la fois masculins et féminins.

Déjà, depuis fin juillet, des doutes émanaient ici-et-là. Lors des championnats du monde junior, elle avait réalisé un temps de 1’56″72 contre 2’11″98 trois mois plus tôt et la Fédération internationale d’athlétisme avait demandé à la Fédération sud-africaine de lui fournir un test de féminité… En attendant le verdict des experts en tous genres, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a également ouvert une enquête.

« Vous voulez que je baisse mon pantalon ? »

Pendant ce temps, les proches de Semenya font bloc autour de leur championne et repoussent les spéculations comme ils le peuvent. Sa grand-mère, qui l’a élevée pendant ses années de lycée dans un village reculé, sans électricité ni eau courante, pose, l’air triste, le certificat de naissance de Semenya encadré, dans les mains. Et l’aïeule de déclarer à un quotidien sud-africain : « C’est Dieu qui l’a faite comme ça ». Son père, lui, répète qu’il n’a aucun doute de sa féminité et qu’il pourrait « le répéter un million de fois » ; d’autres membres de sa famille admettent que son physique lui a valu les moqueries de ses camarades à l’école et qu’elle adorait jouait au foot.

Son entraîneur raconte aux médias cette anecdote. Lors d’une pause-pipi dans une station-service d’Afrique du Sud, alors qu’un employé s’étonnait de la voir rentrer dans les toilettes pour dame, Semenya lui aurait répliqué : « Vous voulez que je baisse mon pantalon pour que vous puissiez voir ». Cet épisode a, selon les sources, « cruellement humilié » la jeune athlète ou l’a fait beaucoup rire. La politique également se mêle de cette histoire de cette gazelle en manque de féminité. L’ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud a demandé à ses concitoyens de « faire bloc derrière notre fille en or, et de balayer les questions négatives et injustifiées au sujet de son sexe ».

« Il faut plus de respect »

Des athlètes montent également au créneau à l’instar du champion olympique du 50 km marche, l’Italie Alex Schwazer : « Ce sont des spéculations. Elle s’est beaucoup entraînée, a fait un grosse course et maintenant tout le monde lui dit que c’est un homme. Il faut plus de respect ». Elodie Guégan, la spécialiste française du 800 m estime, elle, dans le Parisien, « on n’est pas face à un problème de dopage, mais de génétique ». La principale intéressée, elle, n’a pas pipé mot. Après son titre, il a été décidé qu’elle ne participerait pas à la conférence de presse suivant traditionnellement une course. Officiellement : c’est pour la protéger des journalistes.

Risque-t-elle son titre ? A priori, non. Selon le porte-parole de l’IAAF, si elle s’avérait être un homme, Semenya ne serait pas automatiquement déchue de son titre. Il précise : « légalement, si on découvre que vous êtes d’un sexe différent que celui déclaré, ce n’est pas tricher ». L’histoire de l’athlétisme a été émaillée de quelques rares cas de « championnes » qui étaient soit des hommes, soit les victimes d’anomalies génétiques qui ne permettaient pas une définition très nette de leur identité sexuelle. Sur le 800 mètres par exemple, l’Indienne Santhi Soundarajan a perdu sa médaille d’argent décrochée lors des Jeux Olympiques de Doha. C’était en 2006 et elle avait échoué aux tests de féminité. Par la suite, elle avait tenté de se suicider.

 

LCI

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