Les femmes aussi préfèrent les grosses

Fat is beautiful ? C’est ce que semblent penser de plus en plus de magazines féminins qui, portés par l’enthousiasme de leurs lectrices, n’hésitent plus à publier des clichés de mannequins « plus size ». Mais conservent, dans les pages modes, les sacs d’os habituels.

Après avoir connu une longue période de vaches maigres (rachitiques, même), le monde de la mode serait-il en train de passer à une période de vaches grasses ? Ou plutôt rondes, et fières de l’être. C’est en tout cas ce qu’essayent de nous vendre les magazines féminins depuis quelques mois.

À l’origine de ce qu’on voudrait faire passer pour une « révolution », une photo publiée dans le magazine Glamour US du mois de septembre. Sur ce cliché, Lizzie Miller, mannequin au physique qui détonne quelque peu, à la fois dans le milieu de la mode et dans les pages de papier glacé du Glamour, où la norme est ce qu’on appelle la « taille 0 » — un petit 34. Lizzie, donc, est nue, belle et rayonnante, mais surtout elle affiche quelques rondeurs — même si on est tout de même encore assez loin d’un Rubens — et en particulier une petite brioche :

Il n’en a pas fallu plus pour déclencher un torrent de réactions enthousiastes chez les lectrices américaines de Glamour. Il faut dire qu’aux Etats-Unis, le poids moyen des femmes est de 74 kg pour une taille moyenne de 1,62 mètre. Soit 11,5 kg de plus, pour la même taille, que les Françaises. On est donc loin, très loin des 50 kilos pour 1,80 mètre de carcasse décharnée, exhibés par les mannequins dans les pages des magazines féminins et sur les podiums.

Dans ces conditions, la photo d’une femme « normale » a eu l’effet d’une bouffée d’air frais. Et les lectrices ont décidé de donner tort à Karl Lagerfeld (lui-même un ancien « gros » repenti) qui déclarait récemment dans le magazine Focus que « Personne ne veut voir de femmes rondes ». « Ce sont les grosses mamas qui passent leur temps devant la télé avec leur paquet de chips qui disent que les mannequins minces sont laids », ajoutait-il. Eh bien non.

Glamour a flairé le bon filon. Dans son numéro du mois de novembre outre-atlantique et dans la version hexagonale du mois de décembre, on retrouve donc une série de photos mettant en scène des mannequins dits « plus size ». Comprenez des mannequins qui font « plus » que la taille zéro. Les filles sont sublimes, la rondeur relative, mais l’image est séduisante, dans l’esprit des Pin-up d’antan.

L’idée pourrait être bonne si elle n’était pas tartinée d’une bonne couche d’hypocrisie. Car il suffit de tourner quelques pages du magazine pour retrouver les mêmes physiques prépubères improbables et photoshopés qui inondent la presse féminine depuis des années.

Le magazine allemand « Brigitte » est en réalité le seul à avoir choisi une position radicale. Le journal féminin le plus populaire d’Allemagne — chaque numéro se vend à plus de 700 000 exemplaires — a en effet décidé, à compter de 2010, de ne plus faire appel à des mannequins professionnels et de ne plus avoir dans ses pages que des images de femmes « comme les autres ». Andreas Lebert, son rédacteur en chef, explique à qui veut l’entendre qu’il en a « marre » de retoucher des photos de modèles anorexiques qui ne présentent plus qu’une vague ressemblance avec les femmes normales.

En France on ressort plutôt le gras chaque année comme un accessoire éphémère. Un gadget. Un moyen de vendre. Un numéro « spécial rondes » dans Elle et Marie-Claire vient tous les ans, alors que les « spécial maigrir » inondent les kiosques à chaque trimestre.

D’ailleurs chaque année la ronde est de moins en moins ronde. Il y a quelques années encore, le « plus size » correspondait à du 44 ou du 46. Aujourd’hui, Glamour annonce la « révolution 42 ». Et au printemps dernier, Elle évoquait la taille 40 comme un synonyme de rondeurs.

Le gras serait-il, tout comme la banquise, victime du réchauffement climatique ?

 

MARIANNE2

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