Ban Ki-Moon au cameroun, interpellé sur le cas Lapiro de Mbanga
A l’invitation du président de la République, Paul Biya, le secrétaire général de l’Organisation des nations unies(ONU), Ban Ki-Moon, entame ce jeudi 10 juin 2010 au Cameroun, une visite officielle.
Son arrivée est en fait une session de rattrapage, car, invité dans le cadre de la célébration du Cinquantenaire de l’indépendance en mai dernier, le Coréen s’était fait représenter à Yaoundé. Arrivé hier soir (selon le programme officiel), Ban Ki-Moon va faire une adresse aux députés au cours d’une séance plénière prévue ce jour (voir article ci-dessous). L’ombre de l’affaire Lapiro de Mbanga (Lambo Pierre Roger de son vrai nom) va sans aucun conteste planer sur cette visite du premier fonctionnaire international au Cameroun. Elle intervient en effet au moment où Ban Ki-Moon vient d’être saisi du cas de Lapiro de Mbanga, artiste-musicien et leader d’opinion camerounais, incarcéré depuis mars 2008, officiellement dans le cadre des émeutes de la faim de février de la même année.
En fait, la puissante organisation non gouvernementale américaine, Freedom Now, qui lutte à travers le monde pour la libération des prisonniers d’opinion, a saisi l’occasion de sa présence au Cameroun, pour solliciter sa médiation auprès des autorités nationales. A travers une lettre datée du 7 juin 2010, Maran Turner, le directeur exécutif de Freedom Now sollicite l’intervention du SG de l’ONU pour plaider auprès de Paul Biya afin qu’il ordonne la libération de Ndinga Man « injustement emprisonné ». Plusieurs arguments soutiennent la démarche de Freedom Now. D’abord, le prisonnier n’a pas bénéficié d’un procès équitable conformément aux lois nationales et autres conventions internationales que le Cameroun a du reste ratifiées selon cette organisation. De plus, accuse l’ONG américaine, Lapiro est simplement victime de sa liberté d’expression. « Membre de l’opposition (SDF, ndlr), Lapiro a commis un album (Constitution constipée) condamnant la volonté du chef de l’Etat à amender la Constitution pour se représenter à la magistrature suprême (amendement du reste adopté depuis, ndlr). C’est à la suite de cet album qu’il a été arrêté et condamné injustement à trois (03) ans de prison et 280 000 000 Fcfa d’amendes », explique Maran Turner à Ban Ki-Moon. Par ailleurs, elle attire son attention sur les conditions de détention « inhumaines » de l’artiste, incarcéré dans une cellule avec « plus de 50 détenus », qui souffre entre autres de typhoïde et d’infections respiratoires.
Forte préoccupation
Freedom Now n’est pas seule à se préoccuper du sort de Lapiro de Mbanga au moment où le Sg entame sa visite camerounaise. Le Sénateur américain Richard Durblin de l’Etat de l’Illinois, celui-là qui a succédé à Barack Obama, a, lui aussi, saisit par correspondance le secrétaire général de l’Onu pour exiger la libération de Lapiro de Mbanga. Cette correspondance est le second acte de plaidoirie de Richard Durblin qui avait déjà discuté avec Philémon Yang de ce même cas au cours d’une audience que le Premier ministre lui a accordée lors de son récent passage à Washington. Le locataire de l’immeuble Etoile aurait d’ailleurs invité le Sénateur à venir au Cameroun. Avant ces dernières initiatives, il y a eu la mobilisation des artistes du monde (Meiway, Lokua Kanza, Nibs Van der Spuy, Jr Eakee/Apkass, etc.) qui ont chanté pour la libération de Lapiro de Mbanga dans un single dédié. Une action symbolique que les autorités camerounaises ont royalement ignorée en son temps. Y a-t-il aujourd’hui plus de chances que le lobbying actuel ait plus de succès ? Rien n’est moins sûr.
Mais la venue de Ban Ki-Moon au Cameroun ne pouvait plus bien tomber. Puisque le dossier de Lapiro de Mbanga sera examiné demain vendredi 11 juin 2010 à la chambre des droits de l’Homme de l’Onu sur l’initiative de Freedom Now qui s’est constituée conseil de l’artiste-musicien. Autant dire que le séjour du secrétaire général des Nations unies au Cameroun sera marqué par cette forte préoccupation à laquelle il lui sera difficile de soustraire, au risque d’entamer son capital crédit aux yeux de l’opinion qui le regardent…
Agenda
Le 8e Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) est arrivé à Yaoundé hier à 23 heures 30 pour sa première visite officielle au Cameroun, en compagnie de son épouse. A l’invitation du gouvernement, il va séjourner pendant deux jours dans la capitale camerounaise. L’agenda de Ban Ki-Moon prévoit une audience que lui accordera le président Paul Biya ce matin, suivie par une discussion avec le président de l’Assemblée nationale, Cavayé Yéguié Djibril. Cette séquence parlementaire sera ponctuée par un discours prononcé devant les députés cet après-midi à 16 heures. Du point de vue strictement interne, le patron du système des Nations unies visitera des projets de Nations unies sur le terrain, et tiendra des sessions de travail avec les chefs d’agences et le personnel du système de l’ONU au Cameroun.
La visite du « premier fonctionnaire internationale du monde » se situe sous le prisme des lenteurs observées pour la mise en œuvre des moyens qui visent l’atteinte des huit objectifs du Millénaire (OMD) d’ici à 2015. Celles-ci avaient été adoptées par 189 dirigeants mondiaux lors du sommet du Millénaire tenu en septembre 2000 à New York. Ban Ki-Moon qui a engagé des actions de lobbying dans le sens de l’implémentation de ces objectifs plaide pour un renforcement de « la coopération et de la solidarité mondiale pour l’atteinte des Omd ». Il vient à Yaoundé étant convaincu que le Cameroun peut jouer un rôle majeur dans la discussion avec les « leaders du monde », de leur participation au prochain sommet des Nations unies en septembre prochain au siège de l’Organisation à New York. Venu du Burundi, le secrétaire général de l’Onu quittera Yaoundé demain soir 10 juin 2010, pour l’Afrique du Sud à l’invitation du président de la nation Arc-en-ciel, Jacob Zuma pour la cérémonie d’ouverture de la première coupe du monde en terre africaine.