can 2013 L’Afrique du Sud n’a toujours pas sa liste des villes hôtes

Céline Zünd/Le Temps – Johannesburg accueille ce dimanche la finale de Mister Gay World, qui désignera « l’ambassadeur de la cause des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres (LGBT) dans le monde ». Une première sur le sol africain.

L’Afrique du Sud, qui a inscrit la protection des minorités sexuelles dans sa Constitution en 1996 et fut l’un des premiers pays au monde à autoriser le mariage entre couples de même sexe dix ans plus tard, fait d’ailleurs figure d’exception en Afrique, où l’homophobie d’Etat connaît des développements inquiétants.

« C’est, de loin, le continent où se trouvent les pires lois recensées s’agissant de l’homosexualité et d’autres minorités sexuelles », écrit l’International Lesbian and Gay Association (ILGA) dans son rapport de 2011. Plus de la moitié des pays africains criminalisent l’homosexualité, passible de la peine de mort en Mauritanie, au Soudan, dans plusieurs Etats du Nigeria et dans les parties méridionales de la Somalie. En Ouganda, un article du Code pénal punit de la réclusion à vie les rapports sexuels entre deux personnes du même sexe. Le pays envisageait de durcir ses lois pour introduire la peine de mort en cas d’« homosexualité aggravée », avant d’ajourner l’examen de cette nouvelle législation suite au tollé international qu’elle a provoqué.

Viols « correctifs »

Johannesburg, derrière ses allures de capitale gay, cache elle aussi une sombre réalité. Dans la nation arc-en-ciel de Nelson Mandela, les homosexuels sont protégés par la Constitution, mais violés dans la rue. Les ONG de défense des minorités sexuelles font état d’une recrudescence, ces dernières années, des viols « correctifs » dans les cités pauvres de la ville. Des abus commis dans le but de « guérir » les femmes de leur homosexualité. Selon une enquête réalisée en 2009 par le Médical Research Council (sud-africain), un homme sur quatre dans le pays dit avoir déjà commis un ou plusieurs viols.

« Le bling bling de Mister Gay World s’adresse au monde extérieur. Cela n’a rien à voir avec ce que vivent les lesbiennes de Soweto [ndlr : une banlieue noire à 15 km de Johannesburg] », déplore Charles Gueboguo.

Ce sociologue camerounais, auteur de plusieurs ouvrages sur la question de l’homosexualité en Afrique, a lui-même été victime de discrimination. L’accusant de corrompre la jeunesse, l’université de Youndé lui a interdit en 2009 de présenter sa thèse sur la construction de l’identité sexuelle chez les individus atteints du VIH. Il a alors décidé de partir aux Etats-Unis et poursuit actuellement ses recherches à l’université du Michigan. Certains compatriotes l’appellent « l’intellectuel des pédés ».

Sexualité et spiritualité

« De nombreux leaders africains entretiennent l’idée que l’homosexualité est l’émanation de l’influence des colons. C’est une manière de s’inscrire politiquement contre la domination occidentale et de réaffirmer des valeurs que l’ont dit africaines. En réalité, l’homophobie s’est institutionnalisée via les systèmes légaux importés en Afrique par les colons chrétiens », souligne le sociologue.

Rowland Jide Macaulay, représentant de la branche panafricaine d’ILGA, estime qu’un événement comme Mister Gay World peut contribuer à donner de la visibilité à la cause LGBT en Afrique, même s’il craint « un retour de bâton ». Ce jeune Nigérian se présente sur son blog comme « chrétien théologien et ouvertement gay ». Il a fondé en 2006 l’association House of Rainbow au Nigeria pour « réconcilier la sexualité et la spiritualité » et lutter contre les discours anti-gay véhiculés par les églises.

Son militantisme public lui a valu d’être agressé et menacé de mort. Aujourd’hui, il s’est exilé à Londres et House of Rainbow n’existe plus officiellement. Mais l’association poursuit ses activités au sein de groupes souterrains. Rowland Jide Macaulay souhaite qu’à l’avenir la question des droits des minorités sexuelles ne se cantonne pas aux organismes onusiens et soit débattue dans l’arène de l’Union africaine (UA), qui regroupe 54 Etats africains. « On ne peut qu’en rêver pour l’instant. Mais les opinions vont changer avec la modernisation. »

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