Robert de Wavrin : ethnographie et cinéma
Le 23 octobre dernier nous avons assisté à l’avant-première du film « Marquis de Wavrin, du manoir à la jungle » au Palais des Beaux-Arts.
Ce film représente l’aboutissement de plusieurs années de recherche dans les archives de la Cinémathèque Royale de Belgique (Cinematek) par Grace Winter, qui comptait à la base juste écrire un livre sur le personnage du Marquis. Mais ses rencontres l’ont poussée à en réaliser un documentaire aux côtés de Luc Plantier.
Avec quasiment que des images d’archive, le film nous montre les voyages du Marquis de Wavrin en Amérique du Sud, où il est parti en 1913 en fuyant la justice belge après avoir tiré un coup de fusil sur un jeune garçon – qui s’est heureusement remis des blessures. Mais ce jeune homme s’ennuyait facilement dans les grandes villes sudaméricaines, ce qui l’a poussé à explorer tout seul la jungle. C’est là qu’il a connu des nombreuses tribus indiennes, et lors de sa rentrée en Belgique, la compagnie Gaumont lui prête une caméra cinématographique pour documenter ses voyages. Il repart alors dans la jungle.
Avec son pantalon en toile, sa chemise de flanelle, ses bottines, chapeau et inoubliable pipe, Robert de Wavrin explore les endroits cachés de l’Amérique du Sud. À l’aide d’un traducteur, il rentre en contact avec les différentes tribus qu’il croise – et vu que chaque tribu parlait une langue différente, il devait changer à chaque fois de compagnon de voyages.
À l’époque, le Marquis est devenu célèbre un peu partout dans le monde grâce à ses films, où il raconte ses découvertes et ses aventures. Même le roi Léopold III ira à une de ses prestigieuses avant-premières. Pionnier ethnographique, il fait un portrait jamais vu de ses amis les indiens. Il montre leurs danses, certes, comme bien d’autres ethnographes, mais il va plus loin en filmant les tribus lors de leur vie quotidienne. Parce que Robert de Wavrin voulait connaître en profondeur ces personnes – des tribus qui ont pratiquement disparu de nos jours. Il va même jusqu’à montrer la Tzantza, le rituel par lequel les Indiens Jivaro réduisaient des têtes de leurs ennemis.
La censure de l’époque a coupé des scènes des films du Marquis, mais heureusement, les restaurateurs de la Cinematek ont réussi à trouver la plupart de ses scènes perdues. On voit par exemple comment une mère allaite un bébé singe, ou un rituel funéraire des Indiens Motilón où ils utilisent des drogues pour faire un hommage à la vie du mort.
Le Marquis de Wavrin a réalisé quatre films au total, et publiera plusieurs livres – quelques-uns purement scientifiques et d’autres plus fantastiques. Mais son histoire a été oubliée jusqu’à aujourd’hui. « Marquis de Wavrin, du manoir à la jungle » est, certes, un documentaire sur Robert de Wavrin et ses voyages, mais c’est aussi surtout un hommage à ses tribus indiennes que le Marquis a voulu connaître en profondeur, à ses Indiens avec lesquels Robert a forgé une amitié.
Le documentaire de Grace Winter et Luc Plantier sera bientôt diffusé à la télévision – La Une et La Trois – et disponible en coffret DVD à la Cinematek.