Robert Mandjombe, nominé du prestigieux prix fondation Roi Baudouin pour un projet « téléphonie solidaire ».
Le projet s’intitule « Papoligne », et promeut « la téléphonie solidaire » entre chacun de nous et un senior résident en maison de repos ou pas. Il faut entendre par « appel solidaire » une émission encadrée et bénévole d’un coup de fil ou une réception d’un appel de la part du senior dans l’optique de rompre la solitude de ce dernier tout en lui tenant un discours bienséant, bienveillant et positif sur le cours de la vie.
On retrouve dans cet acte banal, une dimension humaine entre des interlocuteurs qui n’ont pas de rapport affinitaire si ce n’est la commune appartenance à la communauté humaine. Le projet veut contribuer à mettre fin à l’isolement, au moins conversationnel.
« La mise en place d’un tel processus obéit à un protocole et à des validations de certaines étapes primordiales telles que l’inscription libre mais formelle des interlocuteurs au programme, la mise sur pied des balises juridiques de type RGPD, opt-in, opt-out ou la possibilité du traçage téléphonique en cas de manquement délictueux entre autre. Tout est pensé pour que cette interaction de substitution soit sûre et porteur d’une valeur ajoutée ».
Nous explique Robert Mandjombe Bossambo, président de la coopérative d’idées « LIENFAISANCE Think, Do & Share Tank » qui est parti du constat qu’il y a une volonté d’arriver à une cohésion sociale de la part des pouvoirs publiques et des citoyens, de gros budgets y sont alloués pour un résultat très moyen. Pour cause, le principe de compensation des handicaps a du plomb dans l’aile à cause, entre autre, de cette vision orthodoxe du social en Belgique qui confine nos projets à faire du neuf avec du vieux.
« L’une des lectures dominante du problème a été jusqu’ici de considérer que puisque notre modèle de solidarité est basé sur la compensation des handicaps, alors le 3ème âge est handicap voir une infirmité à contrebalancer. Or être senior ce n’est ni une infirmité ni une identité mais un état. Un état de l’existence qui trouve sa pleine place dans les formes de citoyenneté active voulues dans ce pays ».
Pourtant c’est bien connu qu’« Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Notre société perd t- il la conscience de cette dimension… ?
Il faut sortir des formules et de la fumée des beaux mots pour toucher les problèmes du doigt. Bien que je partage cette jolie pensée d’Amadou Hampâté Bâ, je dois reconnaitre qu’elle est aujourd’hui galvaudée et relève hélas d’une forme de bien-pensance destinée à éluder le cœur du problème. Est-il juste de se préoccuper seulement de l’extinction des flammes sans se donner les moyens de protéger la bibliothèque?
Du coup l’ « appel solidaire » téléphonique va bousculer notre entendement de la relation jeunes/aînes
C’est en effet une nouvelle forme de socialité qui peut émerger de cette donne. Mais il faut rester prudent avec les questions humaines et ne pas essentialiser de facto une voie intégrative parmi tant d’autres. L’ « appel solidaire » n’est pas l’ultime absolu. En revanche, ce qu’on sait déjà c’est qu’â côté des visites physiques, il faudra désormais considérer les « visites phoniques ». Ceci est pour certains un ersatz de la relation humaine et pour d’autres une modernité, voire même une innovation incrémentale dans la voie du démantèlement des mécaniques de solitude. En tout état de cause, la notion même de capital social au sens bourdieusien du terme a de bonnes raisons de se sentir ébranlée.