Binza SALAWA: la première success story congolaise

Cet industriel congolais fut un précurseur dans les affaires

Quand bien même l’histoire serait cyclique, il y a des destins que certaines contrées, mêmes couvertes d’une pluie de providences, ne peuvent produire qu’une fois. Ango , dans le Bas –Uelé de la RDC, est une de ces bourgades pour laquelle la roue de la chance a tourné pour immobiliser son aiguille sur la case Binza Salawa.
L’histoire de cet industriel Congolais serait restée anecdotique si elle ne cachait pas un model rigoureux et un brin avant-gardiste de la réussite dans les affaires.

Fils de Miron Raymond et de Gbinza Mabe Eugénie, Binza Salawa est né à Bibile-Ango le 15/10/1935.

Après de brillantes études conclues avec fruit à l’institut des frères Maristes de Buta, la polytechnique d’alors, Binza Salawa se lance dans le monde du négoce. Une vraie gageure à l’orée des années ’60 compte tenu de l’ébullition sociale qui précédait l’avènement de la république. Mais il en faudra davantage pour décourager ce jeune métis déterminé, novateur et ambitieux au service d’une seule idée : Un Congo fort, prospère et envié.
Le précurseur des acquisitions capitalistiques à la congolaise. Au milieu des années ’60, l’industrieux homme d’affaire devient un négociant de café et de cacao respecté des fournisseurs et des clients tout autant que par ses pairs. Souvent vandalisé, constamment rançonné, fréquemment menacé par les milices de tout bord tapies dans l’épaisse canopée congolaise, le businessman deviendra contre toute attente le moteur incontournable de l’échiquier économique de la Province Orientale.

Homme d’affaire aux intérêts tentaculaires

C’est le début d’une ère nouvelle pour cette page du roman économique congolais ponctué de rachat de plusieurs biens immobiliers dont le prestigieux hôtel des Chutes, véritable place to be de la ville Kisangani, la 3eme du pays. Un golden boy est né et avec lui, la dynastie familiale
des premiers hommes d’affaires aux intérêts tentaculaires aussi bien sur le plan géographiques qu’intersectoriel.

Hôtel des chutes

Le plus japonais des congolais

Une expérience monopolistique pionnière au parfum nippon. C’est bien connu « là où passe la route, le développement suit ». Le projet de consolidation de l’unité nationale devenu impérieux après l’indépendance, l’assise populaire rend exigible les déplacements des politiques en province.
Mais en marge de la politique il y a plus tangible pour les populations : voyager, commercer, s’épanouir. Et comme c’est l’occasion qui fait le larron, Binza Salawa doué d’un flair des affaires se réinvente un boulevard. Celui de la route ou plus exactement celui du pneu et de la concession automobile. Avec un aplomb digne d’un conquérant et un panache
de jeune premier, l’homme se rend au pays du soleil levant. La métaphore astrale n’en est que très symbolique car de ce soleil levant japonais, il en fera un soleil radieux avec au compteur plusieurs voyages entrepreneuriaux.

Succès dans l’automobile et le pneu

C’est donc tout naturellement qu’il devient le représentant exclusif des pneus Bridge Stone. Dans la même foulée, à l’aube des années 70 il co-fonde à Kisangani le garage et la concession automobile Kisan Motors. Un fleuron qui deviendra même une véritable succes story nationale. Une renommée qui en 1974, forcera certains organisateurs Kinois du combat du siècle ALI/ FOREMAN à solliciter son parc automobile afin de le mettre au service des officiels de ce rendez-vous pugilistique demeuré mémorable. Excusez du peu.

Du sushi au Saka-Saka et du Saké au Lotoko, Binza Salawa deviendra en moins d’une décennie le plus japonisant des interlocuteurs Congolais des années ’70 toute catégorie confondue. Homme de tact et de réseau, esprit acéré et précurseur, c’est tout juste si cette âme charitable n’est pas faite ambassadeur du Congo auprès de l’Empire du Japon.

Kisan Motors

Une mort dramatique

Les voyages dans les airs furent la clé de voûte de sa vie triomphante, l’avion sera aussi le canal funeste de l’abréviation prématurée de cette même vie sur terre. Le 27 juillet 1981, par une journée brumeuse, Binza Salawa , dans la fleur de l’âge et à seulement 45 printemps est
soustrait de la vie suite à un crash d’avion à Zobia. De Kisangani à Isirio et de Buta à Ango, la nouvelle de sa disparition parcours les chaumières comme une trainée de poudre. La brutalité de ce coup du sort n’a eu d’égale mesure que la précocité de cet homme d’affaire patriote apprécié tant du Congo rural que du Congo des villes.

Le moule de l’histoire pourra difficilement reproduire à l’identique de tels météorites. Le self made man posait patiemment les jalons de la réussite à la congolaise. Binza Salawa c’est au minimum un label de sérieux dans les affaires à bien des égards.

Encore aujourd’hui lorsque retenti le vrombissement des avions sur le ciel couvert de Zobia, ses habitants de plus 50 ans ne peuvent s’empêcher de penser à cette journée de triste mémoire d’il y a 39 ans où l’un des industriels les plus prometteurs a croisé le chemin de la grande faucheuse.

Les Salawa où le capitalisme à l’italienne ?

Comme les Lombards dans l’économie médiévale européenne, où la famille turinoise Agnelli dans l’économie contemporaine, les Salawa peuvent plier comme des roseaux mais ne rompent jamais. La société Binza Salawa & Fils est la preuve palpable que perpétuation de l’œuvre Binza Salawa est en marche. De diversification en acquisition, l’ADN hérité du père n’a pas muté chez les enfants Salawa. Pas plus que le carnet d’adresse n’a disparu. Sous l’œil avisé de la matriarche Léonie Zone, la veuve de Binza Salawa. Les descendants de ce dernier ont réussi à faire de la trajectoire entrepreneuriale de leur illustre grand-père une ligne ascendante.

L’une d’entre elle, Yasmine Salawa, grande argentière du club des femmes de la Province Orientale résidentes en Belgique, a même réussi à bâtir NEKI Insurance Broken, une compagnie de courtage réputée en RDC. Plus qu’une relève, c’est bien de la continuité d’un engagement patriotique au service du développement du Congo qu’il s’agit. Un accident d’avion ne réduira jamais une vie aussi riche en un accident de l’histoire.

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