Cameroun: bébé volés; que fait Vincent Fouda en prison?

De toute évidence, le 10 février 2012 entrera dans l’histoire camerounaise comme celle où la bataille pour notre citoyenneté aura été déclarée de manière brutale. La veille, le 9 février, une manifestation citoyenne devant l’hôpital gynéco de Ngousso était dispersée par la police.
Des citoyens, dont l’écrivain et homme politique Vincent-Sosthène Fouda, le chanteur de rap Valsero, le leader estudiantin Hervé Nzouabet, et des membres de l’ADDEC, étaient arrêtés et conduits en cellule. Ces citoyens camerounais s’étaient réunis ainsi pour soutenir une jeune maman de 17 ans, orpheline elle-même, dont le bébé avait été lâchement volé après sa naissance. Il suffit de lire les mots de Vanessa Tchatchou, la jeune mère dont il s’agit ici pour voir le poignant de ce qui se passe : ‘Lorsque j’étais enceinte, j’ai subi la honte, l’humiliation de mes amis et du quartier. J’ai été stigmatisée, et lorsque enfin j’accouche, on me vole mon enfant, comment voulez vous que je puise laisser cette affaire comme cela, je préfère mourir.’Que faire devant de tels mots décidés, sinon se jurer de l’empêcher de mourir ? Telle déclaration de courage, telle déclaration de fortitude dans le cœur du Cameroun est si unique en effet, qu’elle ferait chacun de nous l’écrire en or et l’enseigner dans les écoles primaires pour dire ce que c’est que la découverte de la citoyenneté ferme.

Le 10 février donc, Vincent-Sosthène Fouda qui aura mis tout son engagement, toute son énergie, toute sa volonté pour défendre Vanessa Tchatchou, sera convoqué au tribunal de grande instance du Mfoundi, seul, alors que tous ceux avec qui il avait été arrêté la veille étaient libérés. Seul il passera la journée devant les bureaux du juge Belinga qui se déclarera. Mis sous l’autorité du tribunal d’Ekounou, Fouda sera au final incarcéré au commissariat du premier arrondissement de Yaoundé. Mais lisons donc le récit du traitement que cet homme qui aura passé un mois à défendre une mère au bébé volé aura reçu : ‘Il a été tabassé, déshabillé et jeté manu militari dans une cellule pouilleuse. Ses lunettes sont cassées. On l’accuse de trouble à l’ordre public, d’atteinte à la sureté de l’Etat, d’incitation à la révolte, etc. Son avocat, Me Assira, éprouve tout le mal du monde à l’assister.’ En fait, ni celui-ci, ni son épouse n’ont eu le droit de le rencontrer. Torturé donc, puis placé en garde à vue, avec sur son dos des accusations graves, qui feraient se lever chacun de nous pas seulement de surprise, non, de colère.
Défendre une maman sevrée de son enfant, c’est déjà ‘atteinte à la sécurité de l’Etat’ ! Chercher un bébé volé à sa naissance, c’est troubler l’ordre public ! Un fait divers fait soudain se lever toutes les polices et toutes les gendarmeries, tous les services secrets de Biya pour sévir ! Nous qui croyions que ce régime avait quelque sécurité en reste, quelque assurance, nous qui croyions que ses milliers de militaires recrutés, le BIR, les services secrets partout, lui donnaient une certaine assurance, nous nous rendons soudain compte qu’il est plus fragile
Vanessa Tchatchou
Vanessa Tchatchou
que le vent ! Qu’il grelotte devant un écrivain qui soudain exerce publiquement sa citoyenneté ! Qu’il entre en transe devant un citoyen camerounais qui refuse de marcher à quatre pattes ! Ah, Biya est fini ! Chers amis, le tyran est fini ! La peur a changé de camp, oui.
Car comment peut-il ne pas avoir peur, ce régime, car le même jour, le 10 février, Paul Biya, le président de la république du Cameroun, comme on nous dit, était une fois de plus en vacances en Suisse, au milieu de ses enfants mineurs qui y vont à l’école comme on sait. De son hôtel Intercontinental, il n’a sans doute même pas regardé la télévision nationale camerounaise, CRTV, qui montrait le discours qu’il a sans doute enregistré avant son départ, sinon l’année d’avant, et dont il a laissé la cassette vidéo aux soins de quelque manœuvre-technicien. Montage de discours si rocambolesque que pour que le manœuvre-technicien ne se trompe pas de cassette, il a bien fallu que ce président du Cameroun se mette devant une pancarte disant ’11 février’. Jamais mépris des Camerounais n’a aussi clairement fait face au réveil de la conscience citoyenne chez nous !Et voilà donc : Vincent-Sothène Fouda, l’excellent Fouda, oui, ainsi se retrouve-t-il en prison ! Lui ce professeur d’université qui a laissé chaire de sociologie au Canada pour rentrer chez lui, dans son pays y vivre le bonheur se retrouve dénudé comme un vulgaire bandit et tabassé par un illettré policier ! Lui qui a laissé amis et collègues pour participer à la campagne pour les présidentielles dans son propre pays, se retrouve-t-il traité comme un vulgaire malfrat, coffré dans une cellule infecte pour avoir osé se mettre aux côtés d’une faible de notre république !

Lui qui a mis toute son énergie, toute sa foi, tout son entrain dans la défense de la dignité des camerounais, se retrouve-t-il traité de la manière la plus indigne qu’un être humain peut infliger à un autre ! Fouetté, coffré, et bientôt condamné, et pour quel crime donc ? Pour quel crime ? ‘Atteinte à la sécurité de l’Etat’ ! Compatriotes, éclatons de rire ! Ou alors, plutôt, pleurons ! Oui pleurons de colère, car nous qui croyions encore que nous avions un pays découvrons soudain que le traitement infligé à ceux des citoyens les plus dignes, les plus grands, les plus respectés de notre pays, n’atteint même pas celui qui était infligé aux noirs durant les heures les plus sombres de l’apartheid en Afrique du sud, ou alors durant la ségrégation au Sud des Etats-Unis. Il est vraiment tombé, notre pays, non, le Cameroun est dans le cabinet ! Car entre nous, que fait Vincent-Sosthène Fouda en prison ?
Par Patrice Nganang

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