LE FIFAB DÉVOILE SES ENJEUX

Le Fifab -Festival International du Film Africain de Belgique- a tenu sa conférence de presse ce mercredi 09 septembre à Bruxelles. Au programme entre autres, enjeux et rôle de la diaspora pour l’essor du cinéma africain.

C’est à 11 heures 30 que Marie-Charlotte Tatepo, Responsable communication du Fifab a ouvert la séance dans les locaux du restaurant Horloge-Sud à Bruxelles face aux représentants de la presse africaine. Suivie par Mensah Mathieu Panou, le président du Fifab qui tout en remerciant les médias de leur présence, a également évoqué les origines du Festival, son parcours personnel et ses expériences précédentes dans le monde du cinéma en particulier le cinéma africain.

Partant du constat que dans toute la région francophone il n’y avait aucun festival qui défendait le cinéma africain et qu’à Bruxelles certains ont essayé de tenir la route mais ont fait naufrage par manque de soutien, l’idée lui est ainsi venue d’organiser en 2014 la 1ère édition du Fifab. Ayant pris acte des manquements précédents, cette seconde édition a pour objectif de frapper un grand coup!

Enjeux

L’un des changements marquant de l’événement par rapport au précédent, c’est le choix de Monique Mbeka Phoba comme marraine pour cette édition. Femme, réalisatrice, engagée, toutes les clés de la programmation lui ont été remises. Un choix qu’elle a apprécié à sa juste valeur mais l’esprit déjà dirigé vers les travaux qu’elle compte mener : « J’avais reproché au Festival d’Ixelles de ne pas mettre assez en valeur la diaspora africaine présente sur place. Ils importaient juste les films d’Afrique. Voilà pourquoi dès que j’ai eu cette responsabilité pour la programmation, j’ai immédiatement souhaité faire aussi la promotion des cinéastes africains vivant en Belgique voire en Occident. Le Fifab est la jonction qui permettra de développer le cinéma africain d’Europe et le cinéma africain d’Africain. »

La marraine de l’événement a ensuite exposé quelques oeuvres cinématographiques qui seront présentées lors du festival.   De Nkosi Coiffure qui fera l’ouverture du festival, réalisé par une flamande qui a eu la bonne idée de prendre un salon de coiffure africain comme scène de déroulement du film, à Villa Matata , film familial, long métrage comique réalisé par Frederike Migom qui évoque les réalités congolaises, sans oublier Une affaire de mini jupe de Paulin Tadadjeu Dadjeu, trois avant-premières qui seront projetées durant le festival. D’autres réalisations à l’instar du documentaire Abeti Masikini, Tango Negro ou encore S’il te plaît non de la réalisatrice Kis’Keya, font partie de ces films qui redonneront l’amour du cinéma africain aux désabusés.

Modèle économique : les gens ne veulent entrer que sur un bateau gagnant 

L’autre thématique de cette conférence de presse qui a suscité les interrogations de la presse africaine à l’endroit de l’équipe du Fifab se rapportait au modèle économique choisi pour l’organisation d’un si grand événement dont le prestige est l’un des buts visés.

Cheik Fita, journaliste du journal en ligne Congolais de Belgique a ainsi interpellé de façon claire Mensah Panou et Monique Mbeka Phoba : « Avez-vous trouvé le déclic pour que les africains de Belgique puissent adhérer financièrement au projet événementiel ? Nous avons ici des sportifs millionnaires qui peuvent être d’un apport financier non négligeable ». « Il n’y a pas de raison à ce que ce festival soit pauvre parce qu’il est organisé par des africains ». Le ton était sévère mais le fond et la pensée avaient tout leur sens. La marraine Monique Mbeka a répondu pour sa part : « Il nous fallait d’abord frapper un grand coup avec cette 2ème édition. Par la suite, nous envisagerons suivre ce créneau que vous avez évoqué et bien d’autres encore ». « Si on ne fait pas une édition qui frappe les esprits, il ne faut rien espérer de la communauté. Les gens ne veulent entrer que sur un bateau gagnant », tient-elle à préciser.

Rôle de la diaspora : la responsabilité de la nouvelle génération

« Cela fait 5 ans que je dénonce la disparition des salles de cinéma en Afrique. EN 2012, j’avais écrit dans ce sens des courriers à plusieurs ambassadeurs africains. En vain! », révèle ainsi Mensah Mathieu Panou. La démarche voulue est de faire comprendre aux représentants diplomatiques africains l’intérêt, l’enjeu et l’urgence de se pencher sur ce désastre culturel par lequel on voit de nombreuses salles de cinéma disparaître en Afrique.  C’est ensemble avec la diaspora que la réussite d’une telle initiative peut espérer aboutir, conclue le président du Fifab.

Monique Mbeka Phoba a pour sa part renvoyer la génération actuelle que représente la diaspora africaine de Belgique à prendre ses responsabilités. Il ne faut pas que celle-ci attende toujours de ses aînés que solution soit trouvée aux problèmes qui pourtant concernent toute la communauté africaine. Les nouveaux moyens de technologie permettent de faire un minimum de réalisation et de le diffuser via internet. Avec peu aujourd’hui, on est capable d’apporter sa contribution pour la promotion du cinéma africain. Il revient à cette génération visée de choisir être acteur et non spectateur dans cette bataille pour la valorisation du cinéma africain. À l’instar de jeunes réalisateurs comme Francisco Luzemo, malgré les difficultés qu’il rencontre pour achever son dernier film : La Loi du Déshonneur, continue de se battre en utilisant d’autres moyens tel que le Crowfunding -financement participatif-.

Aux côtés du média Brukmer, étaient également présents à cette conférence de presse : Ghislain Zobiyo « Bruxelles Information Press », Pat Patoma « Radio Air Libre », Cheik Fita « Info en ligne des Congolais de Belgique », Prince Djungu. À noter aussi la présence de Kis’Keya réalisatrice du film S’il te plaît non, Pascale Kinanga de l’asbl Concertation-Productions et Mitsh Mitshinini, activiste politique pour « Congo Lobbying ».

Le soleil n’est pas toujours bleu sous le ciel des cinéastes africains. Mais comme l’a rappelé Monique Mbeka Phoba qui vient de sortir son tout dernier film, Soeur Oyo : « La nature a horreur du vide ». En d’autres termes, tant que l’africain ne prendra pas en charge sa propre communication, sa propre histoire, il ne faudrait pas trop s’indigner de voir que d’autres raconteront son histoire à sa place, avec tout ce que l’on sait comme issue négative. Du 18 au 20 septembre 2015, le Festival International du Film Africain de Belgique s’annonce riche en couleurs et en messages.