Rencontre avec le Louis de Funes africain: Monsieur Gohou Michel
Le vendredi 10 juin, Gohou déposait ses valises à Mons en Belgique, à l’occasion de l’événement phare, « Africa Friké », un rassemblement d’artistes africains du samedi soir.
Le temps d’un week-end en Belgique, c’est dans le cadre luxueux d’un hôtel montois que nous sommes allés à la rencontre de Michel Gohou. Homme d’une incroyable simplicité et d’un naturel drôle et chaleureux qui s’est livré à nous.
Né d’un père Ivoirien et d’une maman Burkinabé, tous deux paysans, Gohou vit pendant de longues années dans la pauvreté. C’est avec beaucoup d’émotion qu’il parle de son enfance. Une enfance tumultueuse qu’il raconte avec beaucoup de délicatesse, se préservant d’heurter sa propre personne. Une enfance difficile, timide qu’il n’oserait même pas souhaiter à son pire ennemi.
Dès son plus bas âge, Michel fut cloué au sol par une maladie qui le paralysait, générant une malformation qui le força à se déplacer avec des béquilles. A l’école, le jeune Gohou faisait l’objet de moqueries. Le regard des autres face à sa différence le rendait timide. Renfermé sur lui-même, Gohou souffrait physiquement, et le rejet des autres enfants et leurs attaques gratuites lui étaient encore plus douloureux.
Son instituteur qui avait remarqué cette mise à l’écart lui proposa de s’inscrire au groupe de kermesse de l’école et d’y faire du théâtre. Dès son premier passage sur scène, se fut un tonnerre d’applaudissements ! Rien ne sera plus jamais comme avant. Apprécié et reconnu pour son talent, son physique atypique n’était plus un problème, mais un atout. C’est après cette « première fois » sur scène que le jeune Michel tombait amoureux du théâtre.
Vous dites avoir arrêté l’école assez tôt…
La maladie que j’avais était déterminée à en finir avec moi. J’avais perdu l’usage de mes membres, et pour aller à l’école, il fallait être capable de se mouvoir. A cette période, je souffrais tellement que je n’attendais plus que la mort. Mais j’ai dû voyager avec mes parents et me faire soigner au Burkina Faso pendant 3 ans. Au retour en Côte d’Ivoire, les parents n’avaient plus les moyens pour me payer l’école et j’ai dû me lancer dans la vie active en travaillant.
Qu’est-ce qui vous a aidé à tenir bon durant tout ce parcours ?
Le théâtre restait ma seule lueur d’espoir, je m’y raccrochais parce que cela me procurait du bien-être. Et puis, je me disais que le théâtre pouvait m’ouvrir des portes, me faire rencontrer des gens. J’étais soutenu et encouragé par mes amis, mes frères. Je pratiquais le métier que j’aimais, et j’étais en extase à chaque fois que je montais sur scène. J’ai touché à toutes sortes de théâtres (de boulevard, classique, historique) et j’obtenais pratiquement tout le temps le premier rôle. Tout cela m’encourageait à tenir bon.
Quels sont les 2 rencontres qui ont marqué votre vie ?
Ma rencontre avec le rappeur Stomy Bugsy, ce qui m’a plu chez lui c’est sa simplicité, son esprit de combativité et surtout sa vision et son amour pour l’Homme. La seconde rencontre, est celle que j’ai faite avec le premier conseiller spécial du président Sassou Ngesso du Congo , monsieur Jean- Dominique Okemba. Cette rencontre m’a boosté, Il m’a appris à espérer mieux, à m’implanter davantage et à voir la vie du bon côté. C’est un homme avec un grand cœur !
Quelle est votre plus grande fierté après 31 années de carrière ?
Lorsque j’ai commencé ce métier, mes ambitions étaient de voyager de villes en villes dans mon pays et de me faire connaitre comme ça. Jamais je n’aurais pu imaginer traverser les frontières de mon pays pour aller jouer dans d’autres pays africains, ou encore en Europe ou en Amérique. Je pense que c’est là ma plus grande fierté, quand je regarde d’où je viens et où j’ai pu aller.
Vous n’avez pas fait d’études mais quelle sagesse lorsque vous parlez du développement de l’Afrique! Quel conseil donnez-vous à la jeunesse de ce continent?
C’est vrai que je n’ai pas été longtemps à l’école, je n’ose même pas dire le niveau auquel je me suis arrêté, il n’y a que moi qui le sait (rire). Mais le théâtre m’a tout appris. Le message que j’aimerais passer aux jeunes africains c’est « le coude à coude », il faut se serrer les coudes. L’Afrique se doit d’être unie et indivisible. En dehors de la solidarité on ne peut pas évoluer ni construire l’Afrique. La fuite des cerveaux est une mauvaise chose pour notre continent. Quand nos enfants vont étudier à l’étranger, il faut qu’ils reviennent mettre leurs connaissances au service de notre continent et non pas pour aller aider au développement de pays déjà bien construits.
Je prône à l’union africaine de lever toutes les frontières pour une libre circulation afin qu’on se sente partout chez soi. Quand on est africain, on est africain partout. J’aimerais que ce qu’on appelle aujourd’hui des pays, soient considérés comme des régions et on pourra dire : « Je suis africain né de la région de la Côte d’Ivoire ou de la région du Maroc ». Ainsi, on aura une seule et même identité et l’Afrique sera unie et pourra enfin se développer dans son entièreté.
Un message aux politiques
Mon second message est adressé à nos politiques. L’Afrique a beaucoup de richesses dans son sous-sol, mais pourquoi nous n’arrivons pas à développer notre continent ? Parce que nos dirigeants ont décidé de faire la politique des armes. Vous savez ce que coute un avion de guerre? C’est énorme! Nos gouvernants s’en vont acheter ces choses-là en dépit de la population qui meurt de faim. On tend la main aux pays occidentaux pour qu’ils nous donnent à manger alors qu’on a tout! Cet argent qu’on met dans les armes, il faut qu’on le mette dans des machines agricoles pour pouvoir nourrir nos enfants, nos populations.
Quels sont vos projets ?
En ce moment je fais mes voyages, mes spectacles et mes tournages de film. Je viens de finir le tournage d’un long métrage avec l’humoriste et comédien Mamane, le film s’appelle « Bienvenu au Gondwana ». C’est un pays africain imaginaire où le président dictateur décide d’aller aux élections avec ses opposants. Ce président remporte les élections avec 99,99 % de voix et cela sous le nez des observateurs internationaux. On y retrouve des acteurs togolais, gabonais, ivoiriens, camerounais, burkinabés, et il y en a venus d’Allemagne, d’Amérique, d’Italie et de France. C’est un film à voir ABSOLUMENT qui arrive pour 2017.
Gohou Michel, artiste comédien, réalisateur et producteur à la grandeur d’esprit et la générosité débordante, finira l’interview en prescrivant l’amour comme remède à tous les maux.