« Bruxelles vivre ensemble » ; pilier du combat de valorisation professionnelle des savoirs faire de femmes immigrées.
Une association menée par Latifa Gadouche, redoutable combattante à l’humilité remarquable.
En première ligne de soutien aux femmes Djiboutiennes récemment en grève de la faim à Bruxelles contre les exactions faites par les militaires de l’armée nationale sur des femmes, l’association Bruxelles vivre ensemble sait prendre le taureau par les cornes et n’a peur de rien, à l’image de Sa présidente, Latifa Gadouche, une redoutable combattante à l’humilité remarquable.
Bruxelles vivre ensemble est une association de femmes comme on en trouve peu. Dévouées à leurs causes, méthodiques et rassembleuses dans leurs démarches, ses membres n’ont pas fait le choix d’engagement le plus simple. Elles se sont fixées pour cheval de batail principal, le sort des femmes immigrées. Ces femmes immigrées que l’on décrit comme surqualifiées ou sous qualifiées ne sont en réalité que disqualifiées par le système actuel.
« Nous avons fait une étude recherche action en 2011 pendant 1 ans pour connaitre leurs situations réelles à travers toute la Belgique en zone d’actions prioritaires, notamment en Flandre, à Bruxelles et dans le Hainaut car on a identifié beaucoup de soucis là-bas ». Nous explique Latifa Gadouche qui, avec ses consœurs, ont entreprises la démarche de rencontrer une centaine de femmes volontaires. Des femmes dans des centres d’intégrations, des CPAS (Centre publique d’action sociale), des associations de première ligne, telle que « la voix des femmes » à Bruxelles qui, dit-elle, fait un travail remarquable depuis plusieurs années.
En 5 ans, Bruxelles vivre ensemble a balayé les parcours de vies de ces femmes et interrogé 4 générations de femmes immigrées. Le constat:
- Les savoirs faires des femmes immigrées ne sont identifiés nulle part, ne sont pas professionnalisés et ne sont pas valorisés. Les discriminations sont nombreuses dans l’accès à l’emploi, au logement, et dans les orientations scolaires. On assiste à une reproduction des discriminations à l’encontre des jeunes issus de l’immigration.
- La question de l’analphabétisation est délicate et douloureuse. Que des personnes arrivent de leurs pays d’origine étant analphabètes, c’est une chose, la Belgique n’est pas responsable. En revanche, elle est complètement responsable du manque de structures et du fait que des personnes puissent être 20 ans ou 40 ans après, être encore analphabètes, là il y a un gros souci. Comment donc s’intégrer dans la vie d’un pays quand on ne parle pas et ne comprend pas la langue ?
La reconnaissance et l’équivalence des diplômes, l’autre combat
« La question d’équivalence des diplômes est inadmissible et la communauté française est loin derrière son homologue flamand le NARIC qui est beaucoup plus avancé et soutenant ».
Bruxelles vivre ensemble a initié la mise en place d’un centre de valorisation et de professionnalisation des savoirs faire des femmes immigrées ou d’origine immigrée. Dans ce centre sont organisés des ateliers (agriculture urbaine, entretien d’espaces verts, cuisine…).
Avec le soutien personnel du directeur financier de l’organisme BRUSOC, des cours de gestion sont organisés au bénéfice des porteuses de projets. Des cours d’informatique, des ateliers de savoir-être et compréhension des codes réciproques, de mobilité et de gestion de temps.
« Plus de la moitié des personnes qui créent des entreprises sont d’origines immigrées. Les femmes immigrées ont un gros potentiel et nous les accompagnons pour le soutien à l’émergence des projets d’entrepreneuriat. Nous les orientons donc vers des choses fortes, le savoir gérer, les notions de marketing… ».
Un gros travail de lobbying politique
Ces femmes engagées travaillent au quotidien sur la sensibilisation des politiques sur la situation des femmes immigrées et ont même réussi à constituer un groupe de 14 associations et 6 parlementaires de bords politiques différents. Le but étant clair : Inciter à reconnaitre des savoirs faires, pousser sur la question d’équivalence des diplômes.
« On est dans un système protectionniste et injuste. Certains ne se sont pas rendu compte de l’importance du sujet, j’ose espérer qu’ils n’ont pas fait sciemment, mais j’espère que sciemment ils mettront fin à cette injustice terrible. C’est le parcours du combattant pour avoir son équivalence. C’est quelque chose que nous dénonçons fortement.
Connaitre Latifa Gadouche en 5 questions
D’où elle vous vient cette niaque ?
Latifa Gadouche: J’ai toujours été touchée par les injustices. Venant d’un milieu intellectuel algérien, J’avais envie que mes connaissances servent. Mes parents se sont battus contre le colonialisme français. Mon père, un musulman et théologien éclairé, était pour l’égalité homme/femme.
En Belgique, les femmes immigrées sont renvoyées comme des balles de ping pong d’une institution à l’autre et personne pour coordonner et surveiller les choses. Nous avons un devoir de vigilance politique.
N’est-ce pas raisonnable tout de même que l’Etat Belge protège certains métiers comme la médecine ?
LG: Quand un belge va en vacance dans un pays étranger et qu’il y tombe malade, va-t-il demander à ce moment là si le médecin qui va le soigner détient une équivalence belge de son diplôme ? Mais enfin, j’ai vu une femme médecin urgentiste en Algérie exercer pendant 20 ans et venir ici comme demandeuse d’asile. On lui a refusé d’exercer alors qu’elle rencontrait les médecins belges lors des colloques internationaux. Toute cette expérience doit-elle aller à la poubelle ? est-ce bien raisonnable ?
Quels sont vos rapports avec d’autres associations de femmes ?
Nous avons d’excellentes relations avec certaines comme la zaïroise des sœurs, les femmes djiboutiennes, les femmes guinéennes…
Quid de L’UFA (Union des femmes africaines) ?
L’UFA, selon nous, n’a absolument pas le souci des femmes immigrées africaines. Quand on voit leur réaction par rapport aux femmes djiboutiennes qui faisaient la grève de la faim ici à Bruxelles… La présidente qui pour se défiler a déclaré que « c’est très politique », ce qui est honteux. Dans cette association, c’est l’exclusion des femmes maghrébines blanches, pourtant on parle d’une association Africaine. Je me souviens Lors de l’hommage à Mandela, nous avons été écartée par racisme. Donc pour nous, tant que c’est cette UFA là, je ne pourrais pas y adhérer. Elles ne sont pas sur des valeurs démocratiques, et je le dis clairement, je signe à deux mains. Ça n’a pas de sens de se mettre ensemble sur base de la couleur de peau et pas sur des valeurs… C’est vraiment minable de reconstruire le racisme à cette échelle.
Votre regard sur l’Algérie d’aujourd’hui ?
Comme le reste de l’Afrique. Il y a certes eu des avancées, mais c’est timide, ce n’est pas encore démocratique et j’espère que cela va changer.