Le mouvement Nappy, un sujet qui divise les femmes aux cheveux crépus
Le mouvement Nappy n’aura que peu freiné la pratique du défrisage chez certaines femmes.
De nos jours, on constate que de plus en plus de femmes ayant les cheveux crépus décident d’arrêter la pratique du défrisage afin de garder leur texture capillaire naturelle. Ce retour au naturel est couramment appelé : mouvement Nappy. Ce terme est la contraction des mots : natural et happy. Il désigne le fait d’être heureuse, tout en gardant ses cheveux naturels, c’est-à-dire crépus. Néanmoins, la pratique du défrisage continue à être populaire auprès de certaines femmes. Cette pratique consiste à modifier la texture du cheveu crépu ou frisé afin de le rendre durablement raide. On peut alors se demander dans quel contexte cet usage, aujourd’hui généralisé, est apparu. On peut aussi s’interroger sur les enjeux du mouvement Nappy et ses échos en Belgique. Afin de répondre à ces questions, il faut s’intéresser à l’étendue du défrisage chez ces femmes ainsi qu’aux raisons qui les poussent à l’adopter.
Le mouvement Nappy : une politique de valorisation et d’émancipation
Le mouvement Nappy est apparu aux Etats-Unis dans les années 2000. Il s’est ensuite diffusé en Europe puis en Afrique. Il fait référence aux femmes aux cheveux crépus qui ont décidé d’arrêter le défrisage et de laisser leurs cheveux pousser naturellement. Néanmoins, cela ne les empêche pas de continuer à réaliser des coiffures qui ne modifient pas la texture de leurs cheveux de manière définitive.
Face à l’étendue de la pratique du défrisage chez les femmes ayant des cheveux crépus, plusieurs auteurs se sont intéressés aux raisons qui rendent cette pratique quasiment systématique chez ces femmes. Dans son article sur l’utilisation régulière du défrisage chez les Afro-Américaines, Hair alteration practices amongst Black women and the assumption of self-hatred, Chanel Donaldson mentionne cinq facteurs pouvant expliquer cette pratique. Il est fondamental de noter que ces facteurs sont non exhaustifs puisque les raisons du défrisage sont nombreuses et peuvent varier d’une femme à une autre.
Quelques données historiques liées au cheveu crépu
Si l’on souhaite prendre en compte les éléments historiques et leur traitement par les femmes afro-descendantes, il nous faut à présent remonter à la période précoloniale. Tout d’abord, en ce qui concerne l’importance des cheveux dans les différentes sociétés africaines en amont de la vue des Européens. La coiffure occupait, en effet, une place considérable comme l’illustre l’exemple de la coiffure panier des Mangbetu (Afrique centrale). Pendant la seconde moitié du 19ème siècle, cette coiffure occupait une place mythique chez ce peuple. Elle était exclusivement portée par les hommes et les femmes de l’élite mangbetu.
D’autres éléments historiques ont été mis en avant notamment en ce qui concerne le statut du cheveu crépu pendant l’esclavage, aux Etats-Unis. Durant cette période, les esclavagistes avaient par exemple établi une hiérarchie raciale qui favorisait les esclaves ayant les traits physiques proches des leurs : peau claire, cheveux lisses. Cela a amené les esclaves à inventer toute une série de techniques leur permettant de se rapprocher de ces traits physiques. C’est ainsi que les femmes esclaves ont commencé à utiliser des métaux préchauffés pour se lisser les cheveux. Par la suite, elles ont développé la méthode du défrisage.
Quid du mouvement Nappy en Belgique?
Sur base d’une enquête de 13 femmes de la diaspora africaines en Belgique âgées de 20 à 41 ans:
De manière générale, on constate qu’elles ont décidé d’arrêter de modifier la texture de leurs cheveux pour différentes raisons : envie de changer de look, problèmes provoqués par le défrisage (fortes douleurs pendant le défrisage, brûlure d’une partie du cuir chevelu, etc.), lassitude face à l’utilisation répétée des produits défrisants (certaines avaient envie de se sentir plus libre et de ne plus être obligées de se défriser dès l’apparition des repousses importantes de cheveux), etc. En ce qui concerne le lien qu’elles ont avec le mouvement Nappy, il est intéressant de noter que la majorité d’entre elles préfèrent s’en distancer. Elles trouvent contradictoire le fait de devoir créer un mouvement pour garder ses propres cheveux naturels, pour être soi-même. Elles pensent également que le fait de garder ses cheveux naturels devrait être banalisé. Selon elles, il y aura un réel changement lorsque tous ces débats autour du mouvement Nappy auront cessé.
L’histoire du cheveu crépu démontre que, bien que le mouvement Nappy soit un mouvement de valorisation du cheveu crépu, il ne fait pas l’unanimité auprès de la majorité des femmes interrogées. Ces dernières s’opposent à l’aspect militant du mouvement.
Premièrement, cela peut s’expliquer par le fait que les enquêtées considèrent le mouvement Nappy comme sectaire. En cause, les conflits opposant certaines femmes de ce mouvement à celles qui défrisent leurs cheveux. Les premières dénigrant les secondes en leur reprochant d’altérer leurs cheveux et de renier leurs origines par cette pratique. En s’opposant au mouvement Nappy, on peut supposer que les enquêtées veulent se distancer de tous ces débats. Deuxièmement, leur opposition à cet aspect militant pourrait aussi s’expliquer par le fait qu’elles reprochent à ce mouvement de considérer les femmes uniquement par rapport à leurs cheveux.
Or, les enquêtées refusent de se définir essentiellement par rapport à leur aspect physique.
Par Eléonore KY MAKA
PS: Cet article est un condensé de l’étude « L’histoire du cheveu crépu » de Eléonore Ky Maka paru en 2017.
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