Les acteurs noirs sont de plus en plus visibles: Blackwashing, ou évolution des mentalités?
Whitewashing VS Blackwashing?
Suite à la polémique « Oscar so white » lancée en 2015 par Jada Pinket-Smith et d’autres artistes du cinéma afro-américain où ces derniers dénonçaient le manque de diversité dans la cérémonie des oscars, on a pu observer une évolution croissante au niveau de la visibilité d’acteurs noirs autant dans les séries que les films. Un des exemples les plus marquants est le film de super héros à succès « Black Panther » qui réunit une majorité d’acteurs noirs qui, plutôt que de s’exprimer dans un contexte culturel américain, se développe dans un contexte afro-futuriste indépendant et non colonisé.
Il aura fallu attendre 2018 pour qu’un tel film puisse être diffusé pour le grand public. Le réalisateur Ryan Coogler avait fait remarquer que dans le monde du cinéma hollywoodien il y avait beaucoup de réserves à mettre autant d’acteurs noirs en premier plan dans un film, car, selon eux, ça n’était pas assez vendeur. Le succès de « Black Panther » a prouvé le contraire et influencé sur les choix de casting des films et séries mainstreams qui ont suivi.
Une évolution qui fait polémique et certains parlent de « fidélité aux œuvres originales »
Si d’un côté une meilleure représentation des noirs à l’écran est une évolution d’un autre le fait de changer la couleur de peau des personnages n’est pas au goût de tous. (Exemples: MJ dans les derniers films sur le super héros Spiderman, la petite amie du super héros Flash dans la série consacrée à ce dernier, James Bond noir, la petite sirène, etc.). Pour certains c’est par souci de fidélité aux œuvres originales. De ce fait un des arguments qui est souvent exprimé est que, si on peut changer des personnages blancs en personnages noirs alors l’inverse devrait aussi être possible, mais on sait que dans le sens inverse ce serait moins bien accepté. Il est difficile d’imaginer un Black Panther blanc.
En dehors du marché américain, il existe de nombreux artistes africains qui créent des super héros africains qui luttent pour des causes humanistes liées au continent dont ils sont issus (Exemple: Scarf qui va en guerre contre la traite des enfants fait penser à Captain America et Superman qui se battaient contre les nazis lors de leur création dans les années 30-40).
En opposition à cela, certains pensent qu’il s’agit d’un juste retour des choses, car dans le cas inverse il arrive beaucoup plus fréquemment d’utiliser des acteurs blancs pour jouer des rôles interprétés à la base par des noirs. Il faut se rappeler que pendant plusieurs décennies les acteurs noirs étaient invisibles ou mis au second plan et qu’on maquillait des acteurs blancs pour leur donner une autre apparence. Des personnages réels comme des pharaons et des personnages bibliques sont jusqu’aujourd’hui interprétés par des blancs alors qu’en réalité ces personnages seraient noirs et/ou basanés.
Les acteurs blancs restent en position privilégiée
Utiliser des acteurs noirs rétablirait l’équilibre en réponse à des décennies d’inégalité dans le monde cinématographique où les acteurs noirs étaient souvent cantonnés à des seconds rôles souvent ingrats. Il est évident que les blancs dans le cinéma ont toujours eu une position sociale privilégiée et aujourd’hui encore, des acteurs et actrices blanches gagnent plus d’argent que des acteurs noirs.
Liberté de l’art
Au milieu de ces arguments qui s’opposent, d’autres ont des arguments plus nuancés où ils soulignent l’importance de la fidélité aux œuvres originales tout en laissant la porte ouverte à des réadaptations indépendantes qui sont des libertés artistiques liées aux visions personnelles que se font les artistes eux-mêmes. Après tout l’art est quelque chose de libre où des artistes peuvent aussi se réapproprier des œuvres connues pour les raconter à leur manière avec leurs propres références culturelles et sociales.
Ce sujet soulève une problématique sous-jacente:
Quand on décrit des personnages, on ne précise jamais qu’ils sont blancs, car « blanc » serait une couleur par défaut. Tandis que lorsqu’il s’agit de personnages dits « de couleur » on décrit s’il s’agit d’un personnage noir, asiatique…
Ça laisse penser que le fait d’être blanc est » normal » (Exemple: Il y a eu une surprise et un malaise au début lorsqu’on a appris que l’actrice sénégalaise Anna Diop interprétait l’alien Starfire dans la série de super héros Titans, mais il faut savoir que dans les comics books cette super héroïne a la peau orange, de ce fait elle peut être interprétée par n’importe qui. Pourquoi penser automatiquement qu’elle serait blanche?).
La question persiste de savoir si cette méthode de changement constante d’identité n’est pas une facilité qui ne rend pas toujours réellement service aux personnes noires elles-mêmes qui souhaitent une meilleure représentativité dans les médias de fiction.
Si elle est peut-être permise pour laisser exprimer la liberté créative des artistes doit-on automatiquement l’utiliser de manière constante ou plutôt trouver un meilleur équilibre en adaptant à l’écran des personnages de fictions noirs qui existent déjà et gagneraient à être connus du grand public. En plus d’encourager également les artistes afro-descendants à être plus créatifs pour raconter eux-mêmes leurs propres histoires avec des personnages originaux?