Comprendre la révolution de la jeunesse nigériane #Endsars
La jeunesse nigériane aux commandes d’une révolution d’une ampleur inédite, montre le chemin aux autres jeunesses opprimées d’Afrique
Le 8 octobre 2020 dernier, suite au partage d’une vidéo devenue virale montrant un officier de la brigade de police nigériane SARS (Special Anti-Robbery Squad) abattre un jeune, la jeunesse du pays est descendue dans les rues pour demander justice, la dissolution complète de la brigade, ainsi que la fin des brutalités policières commises par la police nigériane.
Depuis lors, le hashtags #EndSARS est devenu un véritable mouvement se propageant sur tous les réseaux en commençant par Twitter où il y est en tendance depuis plus d’une semaine et connait une vague de partage fulgurant sur les autres plateformes. Les témoignages de protestants n’ont de cesse de se multiplier, dénonçant les arrestations arbitraires, l’usage de la force excessive, les viols, meurtres et autres actes de torture perpétrés par la brigade SARS à l’encontre de la jeunesse nigériane prise pour cible.
Pointé du doigt depuis 2016 par amnesty international
Pour mieux comprendre la situation actuelle, nous nous replongeons dans le passé, en 1992 lors de la fondation d’une unité spéciale de police de la brigade antivol nommée SARS, dans le but d’endiguer la criminalité croissante que connaissait le pays, en particulier les vols à main armée et les enlèvements, qui étaient une préoccupation importante dans les années 1990 et 2000.
Toutefois, comme de nombreuses brigades de police, le SARS est une unité largement incontrôlée qui cible les jeunes sur la base de leur apparence : tatouages, boucles d’oreilles, iPhone et voitures sont utilisés comme preuve de fraude, d’escroquerie ou encore de crime.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le mouvement n’a pas débuté cette année, bien au contraire. En effet, ce dernier a connu une première vague en 2017, suite au rapport rédigé par Amnesty International datant de 2016 dénonçant les violences et la corruption de la police nigériane.
Malgré les promesses du gouvernement nigérian de réformer complètement la police en 2017, ce dernier semble être resté sourd aux demandes des activistes, ce qui a mené aux évènements et aux protestations que le pays connait actuellement.
Force est de constater la puissance des réseaux sociaux aujourd’hui et le poids qu’ont eu les vidéos virales dans l’expansion d’un tel mouvement, car oui, ce n’est désormais plus la jeunesse nigériane qui demandent justice, mais bien la diaspora africaine dans son ensemble qui crie au changement.
Les manifestations de ce type durant rarement plus de trois jours semblent prendre de l’ampleur un peu plus chaque jour. Au vu de cet acharnement envers les jeunes sans précédent pour le pays, les protestations en cours sont clairement un message fort non seulement pour le gouvernement actuel, mais aussi pour toute la classe politique au Nigeria.
En ce qui concerne ce même gouvernement, il a annoncé récemment la mise à terme de la brigade SARS. Il s’agit là d’une annonce ayant déjà été faite par le passé lors des premiers mouvements de contestations. Malheureusement aucune procédure n’avait véritablement été engagée en vue de la réformation profonde de la police. Par ailleurs, une nouvelle brigade sera bientôt à l’œuvre, intitulée le SWAT (Special Weapon Tactical Team), mais reprenant les mêmes officiers de la brigade SARS. Cela ne fait que renforcer les critiques faites par les manifestants à l’égard du gouvernement.
Ces promesses de changements ne suffisent plus pour cette jeunesse qui demande plus de ses leaders politiques restés aveugles et impassibles pendant trop d’années face à la corruption, aux meurtres et viols perpétrés par sa police.
Ce mouvement s’inscrit donc dans cette vague de révolutions qui semble toucher tous les continents, une vague portée par la jeunesse via les réseaux sociaux où les hashtags ne font que s’y multiplier.
L’usage des réseaux sociaux est particulièrement en phase avec les évolutions sociales et politiques, où comme l’explique Arnaud Mercier, professeur en information-communication à l’Institut français de presse (IFP), la participation politique est de plus en plus souvent associée à un contenu expressif personnel, à une souffrance, une indignation, qu’on éprouve le besoin de partager avec d’autres.
Aujourd’hui, il est désormais aisé de créer et de prendre part à la « révolution », grâce à la capacité de coordination et de rassemblement que procurent les réseaux sociaux. L’exemple récent le plus parlant en Belgique étant la manifestation « Black Lives Matter » ayant eu lieu à Bruxelles, Liège et Anvers rassemblant en juin dernier des milliers de protestants demandant la fin des violences policières commises à l’encontre des noirs américains, ainsi que celles perpétrées par la police belge.
Les protestations prenant un tournant particulièrement violent et sanglant en particulier depuis le 20 octobre 2020 avec la police ouvrant le feu sur les manifestants non armés, il sera intéressant d’observer l’impact des réseaux sociaux sur la suite des évènements secouant actuellement le Nigéria et la diaspora dans son ensemble.