L’expérience hypnotique d’un Congo au centre du monde ; par Léonard Pongo au Bozar de Bruxelles

Bozar de Bruxelles accueille depuis le 20 janvier, l’exposition « Primordial Earth – Inhabiting the landscape » de l’artiste Léonard Pongo jusqu’au 22 mars.

Léonard Pongo s’est plongé en immersion au cœur du milieu rural congolais, à l’écoute des mythologies, des histoires et des récits ancestraux depuis 2017. Ces interactions avec cet environnement lui ont façonné une magie qu’il urgeait d’exprimer et partager dans un langage universel.

De la réserve du Virunga au Kasaï jusqu’à la forêt équatoriale, Léonard photographie des natures qui s’harmonisent secrètement, parfois bruyamment, mais toujours en puissance.  Des images d’une effroyable beauté.

Photographies ? Oui, mais pas que… L’exposition « Primordial Earth » de Léonard Pongo est une installation dans laquelle il associe photo, vidéo, son, textile. En effet, les supports photographiques sont aussi surprenants qu’ingénieux: Voiles, tissus inspirés par les tissages traditionnels. Tout au long de l’exposition occupant l’ensemble des murs, scénarisée volontairement sans début ni fin, comme une boucle, les visiteurs peuvent apprécier des images vidéos de lieux magnifiques, accompagnés d’un son hypnotique qui prolonge l’expérience unique d’une nature qui s’invite à nous.

« Les récits traditionnels nous disent que dans cet environnement, il y a énormément d’éléments qu’on ne voit pas, qui ne sont pas visibles à l’œil, qui sont imperceptibles pour le non-initié. Cela active en nous une pluralité de sens que certains confondent à l’animisme ».

Léonard.P

« Primordial Earth », connecte le visiteur à un endroit du monde qu’il ne connait pas forcément, lui permet de ressentir la richesse, la charge et la beauté du lieu, altérer les perceptions en plaçant le Congo au centre de la vie, de notre rapport à l’environnement, au monde.

Sur quelques-unes de ses œuvres, ont peut y voir de légères apparitions humaines. « Un zeste d’humain » dira-t-il, un petit clin d’œil sur la place de l’humain que les sociétés occidentales ont tendance à mettre au centre de toutes les préoccupations comme acteur majeur. Pourtant, l’artiste s’interroge sur sa véritable place. Et si nous n’étions qu’une espèce en état de régression, qui ne fait qu’occuper de passage, cette immensité de système ?

Au sujet de son engagement supposé ou avéré, l’artiste a une idée précise :

« L’engagement c’est aussi proposer des récits alternatifs, inviter à délocaliser le centre ; affirmer sa base à soi et sur cette base, rentrer en relation avec les autres. À travers mes workshops donnés aux jeunes artistes congolais, j’encourage et j’observe une vraie volonté de construire eux même, leur propre récit. Cette démarche a également une portée politique. »

Léonard.P

Dans un pays où 50 à 60% de la population (85 millions) est rurale, où les populations urbaines sont majoritairement issues d’un exode rural récent, le rapport à la nature, le souci de préservation de l’environnement sont plus que des concepts, ce sont des réalités ! Léonard Pongo a choisi d’exposer avant tout au Congo, à Lubumbashi, à la biennale de Bamako, avant d’aller à la rencontre des diasporas et de la Belgique par la porte du musée des Bozar de Bruxelles. Pour l’occasion, Léonard a collaboré avec une curatrice congolaise, Sorana Munsya, qui exprime sa collaboration avec beaucoup de fierté.

« Pendant trop longtemps, ceux qui parlaient de nous et notre art c’était les autres. Je travaille avec des artistes africains, car je pense l’art à partir de là où je suis, c’est mon focus, ce sont mes grilles de lecture. À travers cette exposition « Primordial Earth », j’aimerais que le public retienne que le Congo peut être son propre centre pour parler au monde, il ne s’agit pas de se renfermer sur soi-même, bien au contraire, cela offre plus de possibilités, d’espace d’échange. Que l’on se concentre sur nous, que l’on parle de nous est une source de créativité. »

Sorana.M

 À propos de Sindika Dokolo

Leonard Pongo dont les œuvres avaient contribué à l’exposition « Incarnation » du regretté Sindika Dokolo, a le souvenir d’un visionnaire qui se projetait au-delà du simple rôle de collectionneur, porté par une philosophie qui consistait à poser les pratiques artistiques africaines comme des pratiques de référence dans un narratif valide et vivant depuis des siècles.

 « Cette pensée m’anime tout au long de mes travaux »

dira Léonard, dont on n’a probablement pas fini de parler.

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