Quand les « ex » refont surface dans le couple
Rester ami ou renouer le contact avec son ou ses « ex » est de plus en plus fréquent. Tout simplement parce que, aujourd’hui, chacun a souvent plusieurs amours dans sa vie. Surtout, les réseaux sociaux comme Facebook ou Copains d’avant offrent l’occasion de recontacter ses anciennes amours facilement. Et ce qui restait de l’ordre du fantasme devient possible d’un simple clic.
Le site de rencontres Meetic a cherché à mieux appréhender le phénomène à l’occasion d’un sondage réalisé en ligne par OpinionWay auprès d’un échantillon de 1 013 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. 32 % des sondés répondent être toujours en contact avec un ou plusieurs ex. Cette proportion est plus forte chez les 18-24 ans (48 %) et les célibataires (46 %). Elle se restreint avec l’âge (23 % pour les 60 ans et plus) et quand on est en couple (27 %).
Cette situation est-elle embarrassante pour le ou la nouvelle ami(e) ? Oui, pour un tiers des personnes interrogées. La situation est plus gênante pour les femmes (41 %) et pour les jeunes de 18 à 24 ans (68 %). En revanche, 67 % des sondés affirment n’avoir jamais le sentiment d’être en compétition avec l’ex. La psychanalyste Sophie Cadalen doute toutefois de la sincérité de ces derniers résultats. « Les personnes disent ce qu’il est de bon ton de répondre, elles veulent penser qu’elles sont au-dessus de cela, mais on a tous tendance à être sur les traces de l’ex, considère-t-elle. On supporte mal le désir, le plaisir que l’autre a pu avoir hors de nous. On aimerait être tout pour l’autre. »
A la question « Pouvez-vous nous dire la dernière fois que vous avez entendu parler ou vu l’ex de votre ami(e) et que cela vous a mis mal à l’aise ? », les réponses semblent, en effet, démentir l’idée d’absence de compétition : « Quand j’ai vu une photo sur un mur chez ses parents » ou « Quand mon mari m’a appelée pendant nos ébats par le prénom de son ex ».
Rester ami avec son ex, c’est possible, mais encore faut-il avoir tourné la page. « Quand le couple est véritablement installé, l’ex ne représente plus une menace, il peut avoir un statut de copain, mais cela suppose d’avoir fait le deuil de cette histoire, considère Sophie Cadalen. L’ex est embarrassant quand on reste sur un mode ambigu et qu’il s’agit de vérifier son potentiel de séduction. » C’est souvent celui qui quitte qui propose de rester ami. « Ce n’est pas une bonne idée d’emblée, analyse Robert Neuburger, thérapeute de couple. Il faut respecter la souffrance de l’autre et supporter d’avoir le mauvais rôle. »
Avoir un ex dans son entourage ou tout simplement l’évoquer peut, du moins au premier temps d’une relation, perturber l’intimité du couple. « Ce peut être très mal vécu que l’un ou l’autre fasse le récit de sa vie passée, notamment sexuelle, il faut être extrêmement prudent. Il y a des choses qui font partie de notre intimité personnelle et il faut faire la part des choses entre ce qu’on garde pour soi et ce qu’on va donner au couple », considère M. Neuburger. Une de ses patientes avait fait l’erreur de raconter à son compagnon certains ébats sexuels passés. Du coup, son ami avait des problèmes sévères d’érection qui les avait amenés à consulter.
Hélène, qui souhaite garder l’anonymat, a hébergé pendant quelques jours un ex. Une situation qui lui a valu des crises de jalousie de son ami. « Il n’y avait aucune ambiguïté de part et d’autre, mais mon compagnon n’a pas supporté », remarque-t-elle. Comment expliquer un sentiment de rivalité, apparemment non justifié, dans une relation amoureuse ? Geneviève Djénati, thérapeute de couple et de famille, avance une hypothèse. « Dans la construction oedipienne, la rivalité avec un parent du même sexe va se déplacer vers une rivalité fraternelle pour être supportable, explique-t-elle. Si ce sentiment n’est pas dépassé, le partenaire va devenir un substitut de frère ou de soeur pour pouvoir continuer à mettre en scène la rivalité oedipienne. Et la crainte réapparaît de ne pas être suffisamment aimé, de ne pas être le ou la préféré(e). »
Qu’on se retrouve seul(e) ou que son couple soit en difficulté, et les fantômes des ex risquent d’être à nouveau convoqués. Béatrice, qui s’exprime également sous couvert d’anonymat, a été recontactée via Facebook par deux de ses anciens amours. « Ils me faisaient savoir qu’ils étaient célibataires, pour l’un, cela faisait une bonne dizaine d’années que je ne l’avais pas revu. J’étais seule, mais je n’ai pas donné suite, j’avais fait le deuil de ces histoires. En revanche, je pense que les hommes ont du mal à rester seuls », témoigne-t-elle.
Le fantasme de l’ex serait-il tapi chez beaucoup d’entre nous attendant le moment opportun pour se manifester ? « On entretient parfois le rêve de ce qui aurait pu avoir lieu soit avec un ex-imaginaire – celui ou celle qu’on n’a pas eu mais dont on était amoureux adolescent -, ou son premier amour, ou encore celui avec qui on a fait des enfants. On se dit que ça aurait pu être autrement », analyse Geneviève Djénati.
Revoir un ex peut permettre d’en finir avec l’idéalisation de cette histoire. Ou au contraire, plus rarement, réaliser que c’est lui ou elle qui compte. Ainsi d’Alex et d’Isabelle, deux jeunes gens qui se sont aimés alors qu’ils avaient respectivement 18 et 17 ans. Isabelle a déménagé aux Antilles et leur relation s’est finalement délitée. Elle a épousé un homme avec qui elle a eu deux enfants. Alex vivait de son côté avec une femme. Mais Isabelle l’a recontacté huit ans plus tard, alors que son couple battait de l’aile. « C’était une évidence, le lien était toujours là, nous avons décidé de nous revoir en cachette pour être sûrs de nos sentiments » ,dit Alex. Depuis, le couple s’est réformé et a une petite fille.
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