Le célibat forcé des albinos camerounais

Parce qu’ils sont des « blancs » nés de parents noirs, les albinos subissent des discriminations au quotidien et connaissent des difficultés dans leur vie sentimentale.

Comme tous les dimanches, une dizaine d’albinos se retrouvent dans un quartier de Yaoundé pour chanter. Pour eux, le chant est une forme de thérapie qui les aide à supporter les stigmatisations dont ils sont victimes.

« La stigmatisation est présente tous les jours de ma vie. Quand j’emprunte le taxi, au marché et dans tous les lieux publics, les gens ont des regards bizarres. Certains se moquent, en lançant par exemple : « la blanche, yeux de chat », se plaint par exemple Nelly Kemezong, une albinos de 24 ans.

Albinos, signe de malédiction

Emmanuel Koum, 29 ans, partage une de ses expériences malheureuses : « J’ai connu quelques filles qui m’ont parlé des réticences qu’auraient les membres de leur famille si elle venait à se mettre avec un albinos. En fait, dans la plupart des familles, il est difficile qu’on admette qu’une personne ait pour partenaire un ou une albinos », dit-il.

Le jeune homme explique que, « dans certaines cultures, un albinos est vu comme un signe de malchance ou de malédiction. Donc, on a l’impression qu’une personne qui décide de se mettre en couple ou même de sortir simplement avec un albinos ne connaitra pas le bonheur. La famille s’organise pour interrompre cette relation par tous les moyens. »

Troubles psychologiques

Ce qui surprend le plus est que la stigmatisation vis-à-vis des albinos ne vient pas seulement des autres.

« Je n’ai pas l’intention de prendre un albinos pour mari. Je n’ai jamais eu un sentiment amoureux pour un albinos. Ils sont trop mous ces albinos, trop passifs, pas assez entreprenants », explique Nelly Kemezong.

« En tant qu’albinos, j’ai déjà beaucoup de problèmes aussi bien du point de vue de la santé que du point de vue de la vie en société. Si je me mets avec un albinos, nous aurons des enfants albinos et j’aurais l’impression de multiplier ces problèmes et de perpétuer la race des albinos. Une chose que je ne souhaite pas », ajoute Sylvie Nana.

Emmanuel Koum encadre beaucoup de jeunes au sein d’une association d’albinos. D’après son expérience d’encadrement, ce manque de vivacité des albinos est d’ordre psychologique. « Certains albinos ont des troubles psychologiques. Ils anticipent sur la stigmatisation sociale. Ils s’empêchent de tomber amoureux pour ne pas être déçus », confie-t-il.

Tout est dans la tête 

A cause de la stigmatisation, les personnes noires ne veulent pas se mettre en couple avec des albinos. Les albinos aussi ne veulent pas se mettre en couple avec leurs semblables. Finalement, très peu de jeunes albinos arrivent à avoir une vie amoureuse stable.
Nelly Kemezong a un petit ami depuis quelques mois. Il est noir et tout se passe bien. Emmanuel Koum est seul, comme plus de la moitié des jeunes de ce groupe de chant.

Il lance un cri du cœur à l’encontre de tous : « L’albinisme n’est ni une fatalité ni une malédiction. Ce n’est qu’une anomalie biologique qui ne détermine ni les sentiments, ni les aptitudes, ni les intelligences. L’albinisme ne détermine que la couleur de la peau. Alors que la stigmatisation cesse afin que les albinos aient une vie normale comme tout le monde. »

Par Anne Mireille Nzouankeu, Yaoundé

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