Les services secrets anglais impliqués dans la mort de Lumumba
Le sociologue belge Ludo De Witte et plusieurs spécialistes britanniques ont accueilli avec scepticisme des propos sur une possible implication du service de renseignement britannique MI6 dans l’assassinat du premier Premier ministre du Congo indépendant, Patrice Emery Lumumba, en janvier 1961, rapportent mercredi plusieurs médias.
Un membre de la Chambre des Lords, le travailliste David Edward Lea, a évoqué cette hypothèse en se basant sur les confidences d’une ex-agent des services secrets décédée en mars 2010. L’ex-première secrétaire de l’ambassade britannique à Léopoldville (actuellement Kinshasa), de 1959 à 1961, Daphne Park – une fonction liée à celle de poste du MI6 au Congo durant cette période entourant l’indépendance de l’ex-colonie belge, lui aurait affirmé: « Nous avions (quelque chose à voir avec l’enlèvement et la mort de Patrice Lumumba)« . « Je l’ai organisé« , avait-elle ajouté à ce parlementaire « en prenant le thé« .
Selon Lord Lea, dans un courrier des lecteurs de la ‘London Review of Books’ (LRB) passé presque inaperçu, l’ancienne diplomate-espionne a expliqué que si l’Occident n’intervenait pas, M. Lumumba aurait remis les riches ressources minérales du Congo (devenu la République démocratique du Congo) « aux Russes » (l’Union soviétique en fait).
Il s’agit de « vantardise« , de « propos autour d’un café« , a commenté Ludo De Witte, cité mercredi par les journaux ‘Le Soir’ et ‘La Libre Belgique’, ainsi que par Radio France Internationale (RFI).
Selon RFI, plusieurs spécialistes du monde des renseignements ne croient pas à cette nouvelle version.
Pour Lode De Witte, auteur du livre « L’assassinat de Lumumba » dont la parution avait entraîné la constitution d’une commission parlementaire ayant conclu à la « responsabilité morale » de la Belgique, « ce sont des officiers belges qui ont torturé puis exécuté Lumumba au Katanga » (sud-est) le 17 janvier 1961.
« Il n’y a aucune preuve impliquant des Britanniques, mais des dizaines impliquant des Congolais et des Belges. Tout ce qu’on eut dire, c’est qu’il est possible que les Britanniques aient été au courant, comme le furent les Américains« , a-t-il déclaré à ‘La Libre Belgique’.
Premier chef du gouvernement congolais après l’indépendance du Congo, de juin à septembre 1960, Patrice Lumumba avait été révoqué par le président Joseph Kasa-Vubu.
Après la prise du pouvoir par Joseph-Désiré Mobutu, mi-septembre, Lumumba a été fait prisonnier puis transféré au Katanga (sud-est), riche province minière qui avait fait sécession avec le soutien de la Belgique. Il y a été assassiné, le 17 janvier 1961.
En pleine guerre froide, l’ombre de la CIA a plané sur l’opération fatale au dirigeant congolais, jugé trop proche de Moscou.
En 2001 une commission d’enquête parlementaire belge a conclu à la « responsabilité morale » de la Belgique dans la mort du héros de l’indépendance congolaise. L’année suivante, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Louis Michel, avait présenté les excuses de la Belgique au peuple congolais.
Le 12 décembre dernier, la justice belge a annoncé qu’à la demande de la famille de l’ancien dirigeant congolais elle allait lancer une enquête sur cet assassinat dans le cadre de la loi dite de « compétence universelle« , qui autorise la poursuite de personne soupçonnée de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide si les plaignants ou l’accusé ont un lien avec la Belgique. Huit suspects, anciens policiers, responsables politiques ou fonctionnaires toujours en vie, pourraient être concernés.
La famille de Patrice Lumumba avait déposé plainte en juin 2011 contre une dizaine de Belges qu’elle accuse de complicité.
Source: belga