DIVERSITÉ CULTURELLE : POINT DE VUE DE NOELLE PARÉ
Le Forum sur la Diversité Culturelle se tiendra ce samedi 24 octobre dès 10 heures au local La Tentation à Bruxelles
Noelle Paré fait partie des heureux élus qui auront la lourde tâche d’animer les différents panels lors du forum sur la diversité culturelle organisée par Bel’Afrika en collaboration avec le CBAI. À quelques jours de l’entame de cette 1ère édition qui se veut riche en enseignement, Noelle évoque entre autres son parcours, ses oeuvres et son regard sur la thématique diversité culturelle qui sera au centre de l’événement. Entretien.
Interview Noelle Paré
Une brève présentation ?
Noelle Paré est une économiste avec un parcours professionnel en 3 phases complémentaires impactées directement par un travail de proximité et de management en milieux multiculturels :
- Professeur dans l’enseignement secondaire à Saint-Gilles et à Schaerbeek, j’ai travaillé douze ans dans des milieux à forte densité d’élèves d’origines africaines.
- Co-fondatrice de Maxi Toys et directrice administrative et financière du Groupe de 1990 à 2002. J’ai géré l’expansion en Belgique, France, Grand-Duché de Luxembourg, Suisse, Maroc et Turquie, avec la création de 126 points de vente et des chiffres d’affaire consolidés de 230 millions d’euros. J’ai également managé la cession du Groupe au Groupe International Hollandais Blokker Holding.
- Fondatrice d’Osmoteam Consulting, je travaille et l’animation de rencontres Nord/Sud, la construction de partenariats commerciaux et/ou technologiques, la recherche de financements ou d’investisseurs et la formation à la bonne gouvernance dans le cadre de relations multiculturelles entre les opérateurs africains et les acheteurs ou actionnaires européens.
Pour le forum vous animerez l’atelier « Réussir ici et là-bas ». Quel parcours vous procure légitimité notamment sur la question « Réussir là-bas » ?
Mon expérience acquise au sein de Maxi Toys puis d’Osmoteam Consulting m’ont permis de réussir dans plusieurs pays d’Europe, d’Afrique et en Turquie. Mes activités et mon engagement au sein et pour le compte de nombreuses associations regroupant des membres de la diaspora des pays d’Afrique dans lesquels Osmoteam Consulting a une activité me permettent de témoigner de nombreuses expériences à la base de success stories. Face au nombre très important de ressortissants de pays africains diplômés en Afrique qui n’ont aucune possibilité de valoriser leurs compétences en Europe, je travaille sur la mise en oeuvre d’un programme de formations aux métiers de l’audit et la consultance pour des missions en Afrique pour le compte d’opérateurs européens.
Vous êtes à l’initiative du programme Solid’Exchange. De quoi s’agit-il concrètement ?
2012, l’année internationale des coopératives décrétée par Les Nations Unies avait comme objectif de montrer que les coopératives font partie intégrante de l’activité économique d’un pays même si elles ont également un rôle social. Convaincue de l’excellence du programme marocain de développement du secteur coopératif, j’ai convaincu deux partenaires liés par le programme de coopération Wallonie-Bruxelles International : la Faculté Polydisciplinaire de l’Université Chouaïb Doukkali (El Jadida au Maroc) et la Haute École Francisco Ferrer (Bruxelles) de s’associer pour une expérience académico-économique avec 20 coopératives marocaines dans lesquels 80 étudiants ont été impliqués pour faire le diagnostic, le benchmarking et la promotion. Nos objectifs étant à la fois :
- Économiques. Diagnostiquer les évolutions à réaliser en terme de gestion et augmenter la qualité des produits en vue de l’exportation vers l’Europe.
- Sociaux. Révéler les opportunités d’emplois pour les jeunes des facultés économiques dans les secteurs de l’économie sociale.
- Académiques. Ouvrir l’université à des personnes précarisées, vulgariser les contenus théoriques et offrir des expériences pratiques de terrain aux étudiants.
Les résultats obtenus ont été très importants pour les étudiants comme pour les coopératives tant au niveau du développement humain qu’en terme de réseaux. Les milieux académiques ont apprécié les opérations qui leur ont permis de s’ouvrir vers l’extérieur et de sensibiliser leurs équipes professorales sur l’importance des travaux pratiques, l’implication dans les programmes de développement et l’ouverture vers de nouveaux secteurs d’activités et marchés économiques internationaux.
Quel regard portez-vous sur l’initiative qui a vu naître le forum sur la diversité culturelle ?
Les jeunes dirigeants de Bel’Afrika lancent le défi de présenter la diversité comme une richesse et non comme un handicap. Le panel qui me font l’honneur de me confier l’animation sera orienté dans ce sens. De trop nombreuses organisations axent leur communication sur des difficultés rencontrées par les personnes d’origines étrangères pour justifier leurs actions sociales d’inclusion peu légitimes et totalement inadaptées. Les règles de discrimination positives renforcent à mon avis le sentiment d’infériorité tant de la part des bénéficiaires que de ceux à qui on impose leur adoption. Le forum sur la diversité culturelle du 24 octobre adopte la vision progressive. Bravo !
Pour finir, que pourrait dire Noelle Paré des politiques de diversité culturelle et de leur désaveu par une grande partie de la population des jeunes d’origine africaine ? Doit-on les poursuivre et encourager les jeunes à les suivre ou les modifier sur la base de leur mal-être ?
La Déclaration Universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle insiste dans le cadre de son article 9 sur l’importance de créer des conditions propices à la production et à la diffusion de biens culturels et services culturels diversifiés et dans son article 11 sur l’importance de forger des partenariats entre secteur public, secteur privé et société civile. Car selon les rédacteurs, les seules forces du marché ne peuvent garantir la préservation et la promotion de la diversité culturelle, gage du développement humain.
À ce titre, il y a effectivement lieu de soutenir toutes les politiques qui favorisent la diversité à la condition qu’elles visent bien l’objectif fondamental de la déclaration qui est le développement humain. Malheureusement, c’est rarement le cas et je suis comme les jeunes d’origine étrangère choquée quand des politiciens confondent diversité et traditionalisme, valeurs culturelles et folklores ancestraux, maintien d’une appartenance culturelle avec le pays d’origine et entretien d’une vision colonialiste de l’Afrique non progressiste qui dépendra toujours de l’Europe. Que l’on ne se trompe pas ! Quel que soit le pays d’origine des personnes qui ont migré à cette génération ou dans les générations précédentes, les pays évoluent et leurs populations ne vivent plus sur les modes historiques stéréotypés encore trop présents dans les consciences collectives de nos pays européens.
Que dirions-nous si nos expatriés belges étaient tenus d’illustrer leur appartenance culturelle à la Belgique en se déguisant en Gilles de Binche wallons, en marionnettes de Toone bruxelloises ou en Till Uylenspiegel flamands ou autres personnages mythiques comme Manneken Pis ?
Il serait temps que nos politiciens chargés de l’Égalité des Chances prennent en compte la valeur de la transculturalité et du mixage qui s’opèrent avec succès rendant les personnes d’origine étrangère : belges à part entière et attachés à leur origine sans en être les victimes. La jeunesse impactée par les visions d’une politique de la diversité mal adaptée est celle qui se réfugie dans la marginalisation par rapport au pays d’origine, qui se complet dans un rôle inférieur d’immigrés non progressiste et qui finalement ne trouve plus de repères ni dans le pays d’accueil ni dans celui d’origine.
Les jeunes d’origine étrangère sont ceux qui ont le plus de potentiel de nous ouvrir vers d’autres horizons, de réussir ici et là-bas et de lever avec succès le défi de la mondialisation équitable par l’intégration de toutes les sensibilités et des traits culturels qui les enrichissent (langues ethniques, relations avec autrui, connaissance des réalités historiques et des évolutions de terrain, mise en avant des vraies valeurs culturelles intérieures, …)
Il est temps de dénoncer les organisations qui imposent la catégorisation et qui promulguent des images misérabilistes des communautés fragilisées en soulignant perpétuellement leurs difficultés, leurs problèmes d’intégration, la banalisation des discriminations inacceptables, … que la jeunesse d’origine étrangère équilibrée et instruite combat et de favoriser toutes les initiatives sources d’espoir, de créativité, d’enrichissements collatéraux et de paix qui correspondent à de vraies politiques de la diversité.