Dido Lakama et Kasidi Makilutila; les leaders de Change asbl s’expriment carte sur table
« Il y a des ennemis de la communauté noire qui veulent nous détruire en nous aliénant, en nous manipulant, en valorisant les mauvaises personnes… »
Change Asbl est probablement l’association africaine la plus active de Belgique. Derrière ces dizaines de jeunes engagés au sein de Change, se cachent des leaders intelligents et charismatiques à la vision fluide. Fous amoureux de l’Afrique, leurs objectifs disent-ils est d’élever le niveau des africains en Belgique. Venir en support aux projets d’autres associations, mais surtout d’éradiquer méthodiquement les esprits et les personnes néfastes à l’essor afro-communautaire. Kasidi Makilutila et Dido Lakama, co-fondateurs, respectivement vice-président et président coordinateur ont pris le temps d’exprimer ce qui les anime, le sens de leur démarche. Ils pointent sans langue de bois le mal qui mine la communauté et présentent leurs projets futurs.
Le constat selon Dido
Nous sommes des personnes qui aimons profondément notre communauté. Nous avons constaté malheureusement que le monde afro-associatif belge n’est pas unit, et donc pas aussi efficace que nous l’aurions voulu. Il y a beaucoup d’associations, mais très peu de coordination entre celles-ci. Plusieurs d’entre elles proposent des activités qui n’intéressent plus le public. Nous avons pensé ramener un peu de fraîcheur en encourageant certes les initiatives, mais surtout en poussant les uns et les autres à se mettre ensemble, limiter les concurrences et les séparations…
Une logique de support auprès des autres associations…
Au départ, nous n’avions vraiment pas envie de nous transformer en concurrents pour les autres. Alors, on s’est demandé comment faire pour être utile? pour aider l’autre à s’améliorer afin que nous puissions grandir ensemble? La réponse est évidente, chacun de nous doit soutenir l’autre, mettre ses compétences au service des autres. C’est ainsi que nous avons opté pour accompagner les associations dans la réalisation de leurs projets.
Pourquoi « Change »?
Nous ne sommes pas contents de ce que nous voyons, alors on prône le changement. Le changement étant une chose qui doit commencer par soi-même, alors nous même au sein de Change manifestons le désir de changer.. Dans le passé, j’ai mal fait certaines chose, et j’ai décidé de changer. Je veux être représentatif de ma communauté et incarner un certain changement.
Contestataires face au système et sévères vis à vis de votre propre communauté, vous êtes Fâchés contre tous?
Dido: Je suis content que vous fassiez vous-même ce constat. Certains me trouvent souvent fâché, le regard fermé, mais quand vous observez ce qui se passe, y a t-il de quoi être content? être heureux? je pense que nous sommes dans un système qui nous met en guerre. il y a des ennemis de la communauté noire qui veulent détruire cette communauté en nous abrutissant, en nous aliénant, en nous manipulant, en créant de la concurrence entre nous, en valorisant les mauvaises personnes, en nous divisant, en créant des déchirures pour un peu d’argent. Dans ma communauté à moi, je souffre de voir qu’il y a trop de gens qui font semblant, qui sont tombés dans le piège ou qui sont eux même des outils des personnes que je considère comme nos ennemis, mais les membres de ma communauté ne les ont pas encore identifié. J’essaye de faire un travail dans l’ombre, je n’ai pas envie d’avoir l’apparence du type qui veut être beau, de briller… je ne fais pas non plus ce combat pour avoir des amis. Je veux être utile à mon peuple et pour cela, je sais que je ferai des choses que même mon peuple ne comprendra pas. Et comme j’ai étudié, je sais qu’il y a des décisions que je vais prendre qui vont être comprises beaucoup plus tard. Il y a encore beaucoup de travail.
« Nous estimons qu’il est de notre devoir d’élever le niveau de l’Africain ». N’est-ce pas un peu prétentieux? vous ne craignez pas d’heurter les esprits?
KASIDI: Élever le niveau de l’Africain, ce n’est pas prétendre que l’Africain est sot, mais c’est surtout l’élever à ses propres yeux, que les occidentaux nous regardent avec un œil nouveau. Cela passe par le changement de mentalité, de mode de vie… Les africains doivent se rendre compte de leur réalité historique. Connaître leur histoire, connaître le système dans lequel ils vivent.
DIDO: Quand on le dit, on ne s’épargne pas. Nous c’est toi et en toi je suis. C’est le rôle de tout un chacun d’œuvrer à la réussite de notre communauté et c’est un devoir pour chaque noir de travailler pour que les noirs brillent.Tant que nous ne sommes pas des Dieux, nous devons toujours aspirer à élever notre niveau. Je fais beaucoup de sports de combat et on nous y enseigne qu’il est dangereux de croire qu’on est arrivé, qu’on a gagné. Je dois toujours me projeter vers l’excellence dont je suis conscient de ne jamais pouvoir atteindre. Nous avons des qualités et des défauts, le bien et le mal en soi. Le combat d’un être humain est d’éliminer le mal et de faire rayonner le bien en lui.
Le véritable souhait de Dido…
Je vis à Bruxelles, et moi je voudrai voir des noirs dans des postes décisionnels, à tous les niveaux et dans tous les secteurs d’activité, or c’est loin d’être le cas, ni en politique, ni dans l’associatif, ni même dans le monde de la nuit. Ne soyons pas aveugles. Pour ceux qui sont vexés du fait que nous demandions d’élever le niveau, soit ils sont aveugles, soit ils refusent de constater. J’aimerais voir des patrons d’entreprises publiques et privés noirs. Des chefs de partis politiques. Il faut rêver, il faut viser la lune pour atteindre une étoile.
Utiliser le mot « noir » de manière aussi officielle et ostentatoire pourrait renvoyer une apparence ultra communautaire dans votre démarche…
DIDO: Nous ne sommes pas racistes! en d’autres termes, nous ne pensons pas que l’être noir est supérieur aux autres. Par contre, je pense clairement que nous aussi on a droit à notre part de gâteau et moi, comme je m’aime, comme je sais ce que nous sommes, je ne peux pas me contenter des miettes pour mon peuple.
Y a t-il vraiment une communauté noire?
C’est embryonnaire, il y a quelque chose qui se formate, nous ne sommes pas encore un lobby, on n’est pas une organisation aussi forte pour parler tous d’une même voix sur un sujet. Ce pendant, il y a un gros travail qui se fait au sein des associations. Nos ennemis ont été tellement forts qu’ils ont mis en place des stratégies pour qu’on ne s’unisse pas. Mais avant de s’unir, nous devons détecter chez nous en interne, ceux qui sont nos ennemis. Il y a des gens chez nous qui sont individualistes et qui ont pour seules ambitions de briller tout seul et de se valoriser. En 4 ans, j’ai rencontré des gens super, mais il est évident que le premier ennemi du noir, c’est le noir. Je n’ai plus besoin que les occidentaux nous voient, nous valorisent. Peu m’importe ce qu’ils pensent de nous. Le plus important c’est que nous même on sache qui on est, qu’on sache que nous sommes forts, capables de beaucoup. Malheureusement, il y a des noirs qui utilisent d’autres noirs, qui font du sale boulot. Il y a des gens vicieux qui se font voir partout, les gens les aiment bien car ils n’ont pas compris leurs stratégies… Nous allons étapes après étapes. Pour l’instant, je me demande ce que je peux faire moi pour que mon peuple commence à s’aimer ?
N’y a t-il pas avant tout un problème économique? comment s’élever quand on a le pouvoir d’achat le plus bas?
Oui il y a un problème économique certes, mais cela n’explique pas tout. Je connais des gens qui n’ont pas d’argent mais qui sont solidaires, ce qui n’est pas notre cas. Si vous demandez au gens de cotiser 10 euro pour un projet commun, ils ne le feront pas. Je suis dans le monde de la nuit et j’ai constaté que le public consommateur est constitué à moité par les noirs. Donc le peu d’argent que nous avons, nous l’utilisons mal. Nous sommes bloqués dans la tête, il n’ y a pas de confiance mutuelle. Nous devons nous libérer, car nous sommes très débrouillards et courageux mais il manque de stratégie. Pour être un poids économique, il faut d’abord être un poids, et pour être un poids, il faut se mettre ensemble sur une balance. Il y a des quartiers comme Matonge qui sont sensés être des quartiers de noirs, mais nous n’y sommes propriétaires de rien du tout. Est-ce une blague? Nous ne savons ni nous défendre, ni attaquer fasse à nos ennemies.
Le concept crabe/fourmis selon Dido
Nous avons un premier problème qui est interne. Nous devons nous séparer des personnes nuisibles de notre communauté. Nous les noirs, c’est triste, mais on nous compare à des crabes. Nous sommes dans une marmite et chacun veut monter sur l’autre en l’écrasant pour y sortir , tandis que d’autres communautés se comportent comme des fourmis, les uns montent sur les autres consciemment pour aider à s’élever et se tirer vers le haut avec un esprit de groupe. Nous on a perdu nos principes de base, on a perdu notre sens du sacrifice.
Quelle est la solution pour un rassemblement afro-communautaire?
DIDO: Quand il n’y a pas d’argent en jeu, ils ne veulent pas se réunir. Dès qu’on agite les sous, tous le monde est là. je n’ai pas de leçon à donner sur la façon avec laquelle ils doivent se réunir, ils le savent. Par contre j’ai remarqué qu’il y a des gens très forts, professionnels et compétents dans leurs domaines, mais qui manquent de cœur.
Une nouvelle classe afro-bourgeoise
DIDO: Ils ont créé un milieu culturel afro-bourgeois. C’est tout ce que je déteste. Toujours les même, ils sont entre eux en petit réseau, ils s’apprécient et se crachent dessus par derrière. Certains me craignent et se méfient, car je ne suis pas comme eux, je transpire trop le terrain et la rue, je suis l’anti-eux. Je dois continuer mes analyses, mais à un moment donné, je dirai la vérité aux gens car le but n’est pas d’être aimé, le but c’est de dire où est le mal, et libre à chacun d’aller pactiser avec le diable si il le veut. Attention, il y a énormément de gens talentueux aussi.
Il y a du kemi Seba en Dido. Est-ce compliment ?
DIDO: …Non…Je l’ai rencontré, on a fait deux événements avec lui…C’est un personnage qui est important pour certaines personnes de la communauté… Rendez-vous dans un an.
Mais encore…
DIDO: Je pourrai bien le prendre, cette comparaison peut me faire plaisir, car je sais quelle image il a et ce qu’il inspire au près de certains, mais d’un autre côté, je connais le personnage… donc voilà! merci pour le compliment, Il fait un travail nécessaire tout de même.
D’où est partie votre conscience politique panafricaniste?
KASIDI: Tout a commencé dans les cours d’écoles quand j’essuyais souvent des insultes en tout genre… « retournes dans ton pays, remonte dans ton arbre »... Tu ne comprends pas grand chose à cette hostilité alors que tu es né ici. Ce choc s’est associé aux traces de ma mère « Maman Yvette » qui a été fondatrice d’une des première association de femmes africaines en Belgique (La zaïroise et ses sœurs). Cela m’a fait grandir dans la revendication, le militantisme. Tous mes frères ont été baigné dedans. J’ai co-créé cette asbl Change pour donner un sens à ma vie. De profession je suis éducateur, et très tôt, j’ai vu ce côté altruiste dominer en moi. Je pense plus aux autres qu’à moi même. Ce n’est ni un défaut, ni une qualité, c’est juste normal. Ce militantisme est donc pour moi une évidence.
DIDO: Je suis né comme ça je pense. Depuis que je suis petit j’ai eu des images qui m’ont touchées, j’ai toujours eu envie de changer les choses et de rentrer dans l’histoire. même si j’ai fait mes bêtises, je veux qu’on retienne ce que j’ai fait de positif, je veux lever mon bras en l’air et dire que je suis fier de moi. je veux que ma famille, mes amis, soient fiers de moi. J’ai toujours réussi à fédérer autour de moi des gens qui se battent pour des causes, bonnes comme mauvaises.
Qui sont vos modèles?
KASIDI: Mon grand frère, l’aîné de ma famille qui a beaucoup contribué à ma construction, qui m’a formaté, il est resté un exemple. Je me méfie des héros de l’histoire, car je ne sais que ce qu’on m’a dit d’eux. Moi mon modèle je l’ai vécu, je le connais et je ne saurai me tromper sur lui et ses valeurs.
DIDO: Le jour où je trouverai quelqu’un que je considérerai comme modèle, je serai à ses côtés et je serai son soldat, dévoué à 100%; Je suis à la recherche d’un leader à qui je vais donner mon énergie, car j’en ai à revendre; mais pour l’instant, je n’en ai pas.
Les grands projets à venir de Change asbl
Nous souhaitons impliquer la diaspora dans ce qui se passe dans les pays de la zone des grands lacs. Il s’agit de l’une des zones les plus riches au monde et les politiques nous poussent à nous haïr entre burundais, congolais, rwandais, ougandais… Nous voulons organiser des voyages en Afrique pour nos jeunes, pour leur montrer les réalités de l’Afrique, non pas le côté misérabiliste qu’on montre tous les jours à la tv, mais la réalité qui est un tout. Nous voulons que ces jeunes là, présentent aussi en Afrique, leur réalité sans ce côté bling bling que certains ici qui vont en vacance faire la fête pendant 2 semaines tentent de leur montrer. Ils mentent aux gens qu’ils ont une vie de star, alors qu’il ne s’agit que de clowns. Nous voulons pousser les jeunes d’ici à faire des actions en faveur de leurs pays d’origine et leur montrer qu’ils peuvent être des acteurs du changement qu’ils espèrent tant ici dans leurs pays d’accueil qu’en afrique.
Qu’est ce qu’un bon chef d’État africain pour toi?
DIDO: C’est quelqu’un qui agit tout en étant conscient qu’en apportant des vérités dans sa gestion pour son peuple, la mort sera au prochain tournant. Celui qui n’est pas prêt à mourir ne peut pas être un bon chef d’Etat en Afrique.
Etat des relations entre Change et les autorités belges
Nous sommes sollicités, nous avons réussi à nous faire apprécier par tous grâce à notre travail. Pour la plupart, on le sait, ils veulent nous récupérer mais nous réussissons à garder poliment notre indépendance; nous sommes fier aussi de cet intérêt, cela prouve que nous sommes un poids et nous sommes respectés pour notre travail. Nous aimerions aussi que les nôtres puissent nous dire de temps en temps qu’ils aiment notre travail. Ce que nous avons fait en 1 ans, c’est ce que certaines associations font en 3 ou 4 ans.
De quoi Dido a t-il peur?
J’ai peur qu’on me tue avant que je n’ai fait tout mon travail.
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