Sam Mbende présente les enjeux du PACSA pour les artistes africains
« Des artistes africains se plaignent de la mauvaise gestion de leurs droits, mais comment peuvent-ils se plaindre si ils ne connaissent déjà pas leurs droits? »
Peu de gens le savent, mais il existe une Alliance panafricaine des auteurs compositeurs de musique, connue sous le nom de PACSA (Pan-african composer’s and songwriter’s Alliance). Une organisation née en 2010 sous l’impulsion des pointures de la musique Africaine. Salif Keita, Youssoun Ndour, Papa Wemba, Angelique Kidjo, Richard Bona et bien d’autres, qui via le réseau CISAC (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs) ont fait le choix de créer une organisation dont le rôle serait de faire du lobbying auprès des institutions nationales et internationales afin de défendre les droits des artistes africains.
Nous souhaitons pousser les décideurs à prendre les bonnes décisions, dans le sens d’une protection maximale des droits des auteurs et compositeurs africains.
Nous a confié à Bruxelles, le président actuel du PACSA, l’artiste camerounais Sam Mbende accompagné de Sonia Hakuziyaremye, la coordinatrice. Sam Mbende présente les enjeux de son mandat, ainsi que les problèmes concrets rencontrés par les artistes africains et les sociétés nationales des droits d’auteur. Le célèbre artiste camerounais n’a pas pas été choisi par hasard à la tête de cette organisation d’une trentaine de pays membres. Juriste de formation, il a été président du conseil de gestion de la « Cameroun Musik Coorporation », la société des droits d’auteurs camerounais dans laquelle il a eut à gérer les conflits les plus sanglants du genre.
Entretien…
Quels sont concrètement les problèmes des droits d’auteurs en Afrique?
Les droits d’auteurs ne sont pas vulgarisés, ils sont ignorés. C’est un problème culturel, pourtant il s’agit d’un business en réalité. Un auteur crée et sort des œuvres, en contrepartie il faut le rémunérer. En Afrique, on considère encore la musique comme un jeu, on a du mal à payer pour la musique qu’on écoute avec la difficulté qu’il s’agit d’une œuvre immatérielle. Déjà qu’en Europe où ils sont 200 ans en avance sur la question, ils ne parviennent pas à s’accorder complètement, à plus forte raison nous. Au delà de ce problème, il y a celui de la gouvernance. Des artistes se plaignent toujours à juste titre, à tors ou à raison sur le fait que leurs droits sont mal gérés. Mais comment peuvent-ils savoir que leurs droits sont mal gérés si ils ne les connaissent pas? cela aussi est un problème. Notons le manque de ressources humaines, car il s’agit de la gestion de la propriété intellectuelle, donc d’un droit assez spécifique. Nul ne s’y aventure s’il n’est pas géomètre. Du coup, nous retrouvons en Afrique des imposteurs qui sont plongés dans le droit d’auteur. Si le personnel n’est pas formé, nous ne pouvons espérer aucun rendement dans les sociétés d’édition collective. Les former à la nomenclature spécifique, savoir la différence entre un compositeur et un interprète, des choses basiques, mais méconnues de plusieurs gestionnaires.
L’arrivée du numérique ne facilite certainement pas les choses…
Tout à fait, les choses se complexifient encore aujourd’hui à l’heure du numérique, des droits digitaux. Connaissez-vous beaucoup d’artistes africains présents sur les plates-formes? Or l’enjeu est là, nous sommes dans une nouvelle aire, le comportement du consommateur à changé, mais en Afrique on a du mal à le comprendre, nous sommes en retard et c’est un problème. Il y a une centaine de plates-formes en Afrique et à peu prés 4 qui fonctionnent moyennement. On peut y voir encore énormément de choses illégales. Ils ne payent rien et dans ce système chaotique, les artistes sont foutus. Tout ceci doit être organisé.
Il y a un souci au niveau du choix des sociétés nationales de gestion des droits. Publiques ou privées, quelles sont vos recommandations?
La gestion des droits d’auteurs reposent sur les bureaux de droits d’auteurs. Il existe en effet d’une part, des bureaux rattachés à l’État qui a de fait un droit d’ingérence aux droits d’auteurs et d’autre part, des sociétés privées pour lesquelles, l’État n’a qu’un droit de regard. Pour la plus part, nous pensons qu’il est temps de confier cela au privé, car au fond c’est du business! percevoir de l’argent, fruit d’un travail artistique et redistribuer aux ayant-droits, ce n’est pas du social.
Quid de la perception en Afrique, les gens sont-ils réceptifs?
Il y a un problème au niveau de la perception et de la redistribution de ces droits. Même en Belgique, beaucoup ont encore du mal à comprendre pourquoi la SABAM leur réclame des sous. Pareil et pire en Afrique, il faut expliquer et sensibiliser les utilisateurs. Il y a aussi souvent de la mauvaise foi, des gens qui n’admettent pas de payer pour la musique qui leur fait danser.
Un artiste Africain peut-il vivre des droits d’auteur?
Oui, quand c’est bien organisé, il y a des artistes qui peuvent vivre de cela. En côte d’Ivoire, il y en a qui touchent 7 à 10 millions de Fcfa (15.000 euro) pour une répartition, mais dans d’autres pays comme au Cameroun ce n’est pas le cas, au Rwanda non plus. Il ne faut pas perdre de vu qu’il s’agit de revenus saisonniers et que vivre de cela nécessite de sortir régulièrement des nouveaux titres.
On parle de dégringolade de l’industrie musicale africaine…
La musique a dégringolé, parce qu’on n’a rien prévu. On n’a rien planifié en terme de musique. Le management, c’est prévoir. L’Afrique est un continent jeune. Dans un pays comme le Rwanda, les moins de 30 ans représentent 80% de la population. Donc il n’est plus possible de tromper le public dans la qualité des spectacles qui leur sont offerts alors que les nouvelles technologies permettent à ce jeune public de leur montrer ce qui se passe ailleurs dans le monde. Les réseaux sociaux diffusent l’information sur la qualité et la médiocrité. Fini donc le temps où des artistes pouvaient se permettre de proposer du bas de gamme à un public non averti.
A quand le retour de Sam Mbende pour de nouveaux slows?
Je travail toujours des titres. Quand j’ai le temps, j’écris, je compose, mais je prends mon temps. J’ai l’habitude de composer plus de titres que je n’en sors. Chanter c’est mon métier, chanter l’amour, toujours, que ferait-on sans amour?