Ces femmes qui Slament pour « L-slam »

Lisette Lombé, Gisèle Eyckmans, Cindy Vandermeulen, Gioia Kayaga… Des obsédées textuelles au service de l’art de la parole.

Elles slament. Elles dénudent leur âme sans se dévêtir, et se soutiennent avant ce grand saut qui libère de belles paroles, presque chantées, qui scient l’âme du public avant de le panser et le guérir par la poésie. Elles sont poétesses, artistes pluridisciplinaires, travailleuses sociales, de différentes origines et générations. Par des ateliers et des podiums, les confirmées entrainent dans la danse des mots d’autres femmes, en duos, pour redonner à la parole sa liberté. L’émancipation par des mediums artistiques est l’engagement féministe de l’association sans but lucratif «L-Slam». Ce cadre juridique offre aux femmes un espace d’expression métissé, un carrefour des vécus. Ensemble, elles se renforcent. Elles développent ou restaurent leur confiance mis à mal par les aléas de la vie. La créativité artistique déployée, légitime et singularise la voix de chacune. Une pour toutes, toutes pour une.

L’empowerment des femmes

«L-Slam» œuvre à l’empowerment des femmes. L’écriture scrute, déconstruit et remodèle les imaginaires collectifs. Les femmes tiennent les rênes de cet espace politique qu’est leur corps. La parole aux sans-voix, sur scène ou ailleurs, fières d’elles, luttant contre tous les stéréotypes sexistes. Du féminisme à l’état pur, de l’activisme de terrain. «Ne nous libérez pas, on s’en charge !» aurait pu être leur slogan car le marrainage est une expérience de non-mixité, pour elles et par elles. Des ponts sont battis entre le monde artistique et celui des associations. Les novices osent monter sur les planches, font résonner haut et fort leurs voix. Le public découvre la poésie urbaine qu’est le Slam.

Un atelier mensuel

Slam, mot qui veut dire en anglais claquer. Des mots qui donnent des claques ? Des paroles qui massent les tympans puis giflent ? Ça annonce la couleur de cette poésie qui vient de la zone et qui n’est pas de tout repos. C’est du rap à cappella, exécuté par des artistes obsédées textuelles, des premières de classe qui auraient décidé de faire l’école buissonnière sans rien céder à la vulgarité. Et s’il y a bien une porte que le public ne risquerait jamais de claquer, c’est celle des locaux de la librairie Barricade, qui accueille chaque troisième jeudi du mois l’atelier slam, au numéro 21 de la rue Pierreuse à Liège.

Une rencontre, une intuition

Lisette Lombé, initiatrice du projet «L-Slam» est diplômée en médiation, collagiste, romaniste et poétesse. Elle a été durant une dizaine d’années enseignante et se consacre, depuis, à plein temps à des projets socio-artistiques. En 2015, elle monte pour la première fois sur scène lors de l’évènement Afropeans+, organisé au Bozar, à Bruxelles, par le collectif Warriors Poets. La plasticienne y lira, au cours de l’atelier «Litanies for Survivals», un texte fort qui relate le vécu des afrodescendants de la diaspora, que personne n’oubliera, surtout pas le public présent dans la salle, ce soir là du 17 janvier. Ce tremplin, une idée des deux organisatrices Gia Abrassart et Lise Vanderpiete, sera l’impulsion qui motivera la création de «L-Slam» comme prolongement de cette bienveillance, une confiante solidarité qui fédère.

Qui oubliera? Pas nous! 

Avec son cœur et son âme, Monique Mbeka, présente lors de la soirée témoigne :

«Et tout le temps que Lisette a parlé, les larmes ont coulé en moi et en chaque personne du public. Je crois qu’on n’osait pas se regarder de peur d’éclater en sanglots ! C’était tellement notre histoire, notre vécu, nos émotions et nos douleurs… Incroyable et lancinante variation si réussie du discours de Lumumba, le 30 juin 1960. Avec des mots qui giflent et disent la douleur.»

• «TA MÈRE A COUCHÉ AVEC UN NÈGRE.»
• «TU ES UNE BÂTARDE !»
• «TU DEVRAIS RETOURNER DANS TON PAYS, DANS TA BROUSSE, DANS TA HUTTE.»
• «TU DEVRAIS REMERCIER LA BELGIQUE DE T’AVOIR ACCUEILLI MÊME SI TU ES NÉE ICI.»

Litanies For Survival | Lisette Lombé from Warrior Poets on Vimeo.

Le public découvrait la collagiste et poétesse dans ce nouveau registre qu’est le Slam. Cette première mise en voix qui dénonce en public des injustices, fait œuvre de citoyenneté active. De là, tout a germé. Comme un besoin de ne pas rompre cette chaîne de solidarité, de collectif en passant par une association de fait à la création de «L-Slam», Lisette par ce biais donne vie aux textes des autres.

Marrainage

Autour de Lisette Lombé gravitent des personnes inspirantes, qui ont plusieurs cordes à leur arc et qui ont été plusieurs fois primées pour leurs livres, recueils ou spectacles. Parmi elles, les deux co-fondatrices de «L-Slam», Gisèle Eyckmans et Cindy Vandermeulen. Ensemble, elles se tirent vers le haut, sans avoir peur de se faire de l’ombre. Avec l’actualité foisonnante de chacune de ses femmes, on pourrait presque ne plus savoir ce qu’elles sont avant tout, mais un seul fil suffit à les suivre toutes dans leurs multiples casquettes, c’est le Slam. Elles en sont toutes devenues accrocs, après y avoir goûté. Elles sont les marraines qui organisent et animent les ateliers slam du collectif.
Gisèle Eyckmans, licenciée en politique sociale et économique, est une écrivaine renommée. Elle est la première halte du parcours des débutantes. Son atelier d’écriture a pour thème «Du je au nous.» En plus de son engagement politique, elle slame et ses nouvelles ont été plusieurs fois primées.
Cindy Vandermeulen est politologue de formation, entrepreneure dans des filières atypiques, écrivaine récompensée. Elle s’occupe activement de la promotion du Slam au sein du collectif.
Gioia Kayaga, poétesse, de son nom scène Joy, est l’auteure de l’album «Tram 25», elle y raconte le parcours de sa vie, en slamant. Elle anime la nouvelle émission «Les Zakoustiks», en podcast sur Radio Panik. Ses prochaines invitées le 7 octobre 2017 sont… les femmes du collectif «L-Slam».

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