Tiken Jah Fakoly s’exprime sur la situation politique au Niger et en Afrique de l’ouest

Trois questions à Tiken Jah Fakoly

Icône de l’éveil des consciences, très populaire parmi la jeunesse d’Afrique de l’Ouest, Tiken Jah Fakoly sillonne le monde pour délivrer ses messages pour la libération de l’Afrique. Son puissant reggae engagé fait danser les publics du Sud au Nord. Habitué du festival alternatif Esperanzah, BRUKMER l’a brièvement rencontré à sa sortie de scène après un concert de très haute facture.

« Le Niger vient de subir un Nième coup d’Etat et l’Afrique de l’Ouest connaît un retour des militaires au pouvoir, quel regard portez-vous sur cette évolution ? »

Le retour des militaires, c’est l’échec de la démocratie qui illustre la situation de la région. Les pays de la sous-région sahélienne, dont certains étaient cités en exemple pour leurs avancées démocratiques, sont aujourd’hui en guerre contre le terrorisme. Les peuples n’ont plus confiance aux politiques. Il y a une génération qui n’accepte plus la manière dont les choses se passent.

Un pays comme le Niger est très important pour l’Occident parce qu’il est plein d’uranium. Mais est-ce les nigériens tirent un bénéfice de l’exploitation de l’uranium ? Les contrats qui ont été négociés, parfois depuis les indépendances, sont à revoir pour mettre fin à cette exploitation qui continue et pour que les pays détenteurs de matières premières acquièrent une réelle plus-value dans l’exploitation de leurs ressources.    

Les peuples accueillent ces militaires, souvent assez jeunes, lorsqu’ils prennent le pouvoir parce qu’ils peuvent se reconnaître en eux et ils les légitiment même parfois, parce que les politiques n’ont pas vraiment libéré les peuples d’Afrique de la colonisation. Mais, avec les militaires, on n’est jamais sûrs de notre destin. Des pays comme le Mali ou le Burkina ont fait le choix de mener la guerre par eux-mêmes. Ce choix doit être respecté.

si on avait donné les armes qu’on donne aujourd’hui à l’Ukraine à l’armée malienne, le Mali aurait sans doute gagner cette guerre contre le terrorisme.

Le Continent est riche mais les peuples demeurent extrêmement pauvres. On a besoin d’explications sur ce phénomène qui perdure. Cette exploitation dure depuis 60 ans maintenant. Mais aujourd’hui, la nouvelle génération est beaucoup plus éveillée, notamment grâce aux réseaux sociaux. Et elle pose les bonnes questions qui restent toujours sans réponse.

Si on prend le Mali, c’est un pays en guerre. Les voisins et les pays de l’Occident sont venus pour aider le Mali de 2013 à 2021 mais on a vu qu’il n’y a pas eu de solution. Je pense que si on avait donné les armes qu’on donne aujourd’hui à l’Ukraine à l’armée malienne, le Mali aurait sans doute gagner cette guerre contre le terrorisme. Mais au-delà de ce que l’on nous montre, chacun protège ses intérêts.

« Vous êtes ivoirien, comment voyez-vous la situation de votre pays dans ce contexte sous-régional tendu ? »

La Côte d’Ivoire est un pays stable aujourd’hui, un pays phare, un pays debout mais il y a beaucoup d’agitation et de calculs politiques qui peuvent avoir des répercussions sur la stabilité actuelle. Maintenant c’est ceux qui sont au pouvoir qui doivent comprendre qu’il faut privilégier la liberté de pensée et les règles de la démocratie pour que les choses s’apaisent et que le pays reste stable. J’espère que les leaders sauront faire en sorte que notre pays reste en paix. L’essentiel est que les choix des peuples souverains soient respectés.

« Autrefois modèle de démocratie et havre de paix, le Sénégal est aujourd’hui en proie à de vives tensions politiques aussi… »

Au Sénégal, nous allons assister à un réel changement politique par rapport aux relations avec les autres pays de la sous-région et du monde. Ici, nous n’avons pas des militaires mais il s’agira d’un changement important réalisé par un civil. Si Ousmane Sonko respecte les engagements qu’il a pris envers le peuple et qu’il demande à l’ancien colonisateur de revoir les contrats commerciaux qui les lient, ce serait bien la première fois. Et il semble bien qu’il a le soutien du peuple, je pense qu’Ousmane Sonko sera le prochain Président du Sénégal parce que c’est le peuple qui a le pouvoir. Et l’écrasante majorité des sénégalais que je croise partout où je vais lui exprime leur soutien. Il reste à voir s’il respectera ses engagements… Mais la génération consciente est là pour s’assurer que ce soit le cas. Les réseaux sociaux jouent aujourd’hui un rôle déterminant dans le contrôle de l’action démocratique.


Tiken Jah Fakoly sera en concert à Bruxelles, au Théâtre National, le 18 Octobre 2023 dans le cadre du Festival des Libertés

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