Pr. Charles Muhima Pilipili, une référence scientifique belge

De Bukavu à Bruxelles, le parcours exemplaire d’un remarquable homme des sciences.

Pr. Charles Pilipili est un de ces afro européens à la trajectoire inédite. Un symbole de persévérance, de travail, de réussite pour une jeunesse immigrée en manque de repères et de modèles.

Charles pilipili

Né et grandi à Bukavu, c’est en 1979 qu’il quitte le Congo après l’obtention de son diplôme de chirurgien dentiste de l’université du Zaïre. Charles Pilipili débarque à l’Université Catholique de Louvain (UCL) où il se spécialise en pédiatrie dentaire. Depuis lors, il n’a cessé de gravir des échelons malgré les doubles murs de difficultés qui se sont érigés sur son passage de part sa condition d’immigré africain. Aujourd’hui, Charles Pilipili est une référence internationale dans sa spécialité.

A l’UCL qu’il n’a plus jamais quitté, il est devenu professeur clinique et chef de clinique. Vice-doyen de la faculté de médecine et de médecine dentaire depuis 2013, il est également président de l’école de médecine Dentaire et de Stomatologie. Responsable académique des relations internationales de l’école de médecine dentaire et de stomatologie ; président et cofondateur de l’académie belge de dentisterie pédiatrique. A l’internationale, le congolais cumule des fonctions plus remarquables les unes que les autres : Président du groupement international de recherche scientifique en stomatologie et odontologie (GIRSP), président de la conférence internationale des doyens des facultés de chirurgie dentaire francophones ; professeur invité aux universités de Bordeaux, Beyrouth, Barcelone, Paris V, Lisbonne, Casablanca, Cotonou, Kinshasa et Bukavu. Rien que ça.

Rien n’a pourtant été simplement

Je comptais étudier et rentrer en Afrique, je voulais accéder à un diplôme international. Ma bourse a été bloquée, j’ai donc été obligé de financer toute la suite de mes études par mes propres moyens.

Le problème d’équivalence des diplômes

Étant assistant, J’ai supervisé des étudiants qui ont eu des postes plus élevés que moi, qui sont devenus assistants spécialistes. Je me devais de rester fort mentalement et patient pour garder le cap. Pour obtenir mon équivalence, j’ai dû me faire rétrograder, j’ai même eu à suivre des cours que j’avais moi-même déjà enseigné. J’avais la deuxième position dans le service sans avoir le statut. Je faisais ce qu’on me demandait et avec conscience, avec l’objectif de retourner en Afrique de l’ouest, car il y avait une forte demande. Par la suite les choses se sont passées très vite. On s’est retrouvé à un moment où il y avait un besoin de mes services. J’ai fait une demande de naturalisation et j’ai obtenu le poste d’assistant spécialiste, puis de résident et je suis passé chef de clinique adjoint en moins de 3 ans après avoir ramé pendant longtemps à avoir l’impression que mon travail n’était pas reconnu. Il est certain qu’obtenir l’équivalence des diplômes à cette époque était moins difficile. Aujourd’hui, avouons-le, l’examen inter-universitaire organisé pour l’obtention de l’équivalence est destiné aux surhumains. Un examen qui se fait en une fois, avec toutes les matières du premier cycle à réussir, c’est presque inhumain. Il s’agit d’un système de protection du marché renforcé à cause de l’arrivée des diplômes des pays de l’Est.

Le mauvais accueil de la RDC

« En RDC, on m’avait refusé la bourse à l’époque. Quand j’ai terminé ma thèse, j’ai reçu une fin de non recevoir du gouvernement qui a exprimé ne pas vouloir de moi parce que j’avais financé tout seul mon cursus. Je n’étais pas le bienvenu. Cet esprit est resté encore jusqu’aujourd’hui. Le Congo n’accueille pas ses forces vives venues de l’extérieur. C’est triste de se passer des personnes qui pourraient combler des besoins immenses. Parfois ils préfèrent collaborer avec des belges de souche que des congolais car ils estiment que nous avons « fait notre beurre » en Europe et qu’ils n’ont plus besoin de nous.

Depuis 2006, j’ai recommencé à aller au Congo, j’offrais mes services sans rémunération pour participer à l’enseignement. C’est ainsi que j’ai pu réintégrer le système. Maintenant j’y vais régulièrement.

C’est dommage que l’Afrique ne profite pas des compétences que nous avons acquises ici . Je n’ai jamais eu l’intention de rester éternellement en Europe. Je suis resté dans ma tête un petit peu comme un étudiant qui apprend et qui compte retourner aider. Je n’ai jamais eu d’ambitions de fonctions supérieures. Toutes les fonctions que j’ai eu ici, à la limite on me les a proposé et dans certains cas, j’étais simplement la personne la mieux placée au bon moment. »

Comment ne pas rendre hommage à cet intellectuel qui fait mentir un système qui fabrique pour notre jeunesse, des modèles biaisés, dépourvus de substance.

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