Boddhi Satva, Sorcier des platines

Le père de l’ancestral Soul vient d’ici et d’ailleurs

Comment allier électro et balafons, piano synthétiseur et trompettes Kankangui du Benin ? Comment faire danser la planète entière sur des sonorités afro-ancestrales sans paraître folklorique ? Boddhi Satva est le créateur de l’ancestral soul.

Plus qu’une sonorité, une nouvelle approche musicale basée sur le respect des traditions. Un succès international et un nouveau courant musical qui l’emmène à parcourir les scènes du monde entier. Véritable idole en Afrique du Sud ou en Angola, le travail de Boddhi a le mérite d’avoir poussé les « frères artistes » dit-il, à revenir aux sources.

De père franco-centrafricain et de mère belgo-américaine, Boddhi Satva est un authentique africain débarqué en Belgique à 18 ans de sa Centrafrique natale pour poursuivre ses études. Obsédé par le son, le jeune Boddhi ne fera pas long feu sur les bancs de l’école. Il se lance dans l’animation et la production musicale après avoir exercé quelques années le métier de son père.

« Quand j’ai arrêté mes études, mon père m’a soutenu en m’expliquant qu’il n’avait pas eu besoin d’école pour réussir mais qu’il allait falloir forcément que je travaille. Je suis devenu tailleur de diamant, car mon père était diamantaire. Il était d’ailleurs l’un des seuls noir à réussir dans ce domaine. Autant j’aimais le métier, autant je n’aimais pas les mentalités des gens de ce métier. J’ai arrêté pour me consacrer à ma passion ».

Boddhi anime gratuitement ses premières soirées à Bruxelles, mais garde en permanence un œil sur la production car selon lui, rester DJ c’est être limité.

La douleur de ne pas être noir de peau

Dans toute son authenticité, Boddhi avoue avoir longtemps trimbalé la souffrance de ne pas être noir de peau; lui qui a grandi au cœur du continent et parle plusieurs langues locales.

« Pourtant, mon père m’a toujours dit que je suis le fruit d’un métissage et je dois accepter ma couleur de peau. Cela ne m’empêchait pas d’être vert de rage quand on me traitait de blanc. J’étais Prêt à répliquer physiquement ». Au cœur de cette frustration, Boddhi choisit de se battre artistiquement pour prouver sa négritude, affirmer son identité africaine. Il utilisera sa musique pour extérioriser ses douleurs se donnant simultanément des couleurs.

A 33 ans, c’est en homme apaisé aujourd’hui que Boddhi vit son succès international après le décès de son père a qui il rend hommage dans son dernier album « transition ». Un pied de nez à un système vicieux non-étranger au décès de ce père qu’il affectionnait tant. « J’honore sa mémoire, celle de mes ancêtres, et de là, je m’honore moi même ». Transition est un voyage musical d’une rythmique et d’une profondeur unique.

Un destin chargé de mystique

Boddhi a découvert la house musique et la deep house tout par hasard, en rentrant dans un magasin de disques au centre de Bruxelles. Comme un gamin, il découvre ébahi, le maître de la house musique Alton Miller. Dès cette instant, il rêve de le rencontrer. Quelques années plus tard, plus qu’un rêve, l’américain produisait son premier album et avec Boddhi, il se nouait une relation d’amitié. « Tout est venu d’une pensé. C’est important et ça peut sembler métaphysique ou loufoque. Je suis convaincu que lorsque tu as une volonté et que tu y crois, les miracles s’opèrent pour toi ». Idem, le virtuose de la deep house joaquin joe clausselle dont Boddhi était longtemps fan, aujourd’hui ne tarit pas d’éloge pour le sorcier des platines.

Quand Boddhi Satva parle de lui

Boddhi Satva c’est moi ! Ce nom vient de la philosophie bouddhique qui désigne un être qui a de l’empathie et qui est sur terre pour aider les autres à s’accomplir. Prendre ce nom était pour moi comme une évidence, car ça décrit au mieux ce que je suis. Je suis proche de la philosophie bouddhiste, elle me parle comme les philosophies bantou. J’aime la tradition. Certains vont m’appeler animiste, j’ai un ancrage dans mes racines et je suis fier de ce que je suis. J’ai été baptisé chez les catholiques, mais je ne m’y retrouve pas du tout. De par ma recherche personnelle, mon parti pris, c’est l’ancrage dans mes racines africaines. Je valorise en même temps la culture blanche de ma mère que je ne renie pas du tout, ce serait vouloir m’arracher un bras.

Je suis fan des collaborations, de l’ouverture musicale, mais aussi de l’authenticité. Un peu déçu des artistes comme magic système qui ont oublié d’où ils viennent musicalement. Malgré les besoins du show biz, il est nécessaire souvent de penser à sa base authentique. Beaucoup d’admiration pour des artistes comme Sam fan Thomas, Jovi, Kaysha qui est un frère avec qui ont bosse sur pas mal de projets. C’est un visionnaire, un vrai businessman indépendant des circuits classiques. Artistiquement c’est le père de la kizomba moderne même si certains ne veulent pas le reconnaître. Je tire mon chapeau aux nigérians pour la niger touch. Ils ont fait fort et dominent le continent.

Quitter la Belgique pour prendre de la dimension ?

Je ne suis pas dans le bon pays pour le métier que je fais c’est évident. La Belgique n’est pas porteuse, elle ne sait pas porter les artistes. Les belges comprennent difficilement le business. J’ai souvent beaucoup de problèmes quand je travaille avec eux. L’Europe de manière générale à tendance à nous engourdir. Bruxelles est une ville que j’aime beaucoup, mais ça reste pour moi un pied à terre. Peut-être effectivement il faudra que je parte, même si on a souvent tendance à croire l’herbe plus fraîche chez le voisin.

Boddhi est rentré dans l’histoire

Si ce nouveau mouvement de mélange des genres à la sauce africaine a pris une ampleur mondiale, que certains ont du mal à reconnaître son rôle de pionnier, Boddhi Satva continue de tracer paisiblement le chemin que lui ont prédits ces ancêtres. Dans l’histoire musicale, définitivement Boddhi Satva y est rentré.

 

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